[Fest'Hiver Avignon] "LES SOUFFRANCES DE JOB", l’écriture incisive de Hanokh Levin rencontre l’univers horrifique de la Cie DERAÏDENZ

Les Souffrances de Job de la Cie DERAÏDENZ, mise en scène Léa Guillec © Serge Gutwirth

« Il y avait une fois, au pays d’Ous, un homme appelé Job. C’était un homme droit, on n’avait rien à lui reprocher. Il respectait Dieu et il évitait le mal. » Un livre entier de l’Ancien Testament est consacré à cet homme juste soudainement frappé par le malheur sans raison apparente. Dieu lui donne finalement raison après que Job se soit longuement plaint de tous les malheurs et les injustices dont il est victime et que ses amis aient tenté de le raisonner et de le sermonner.

Le dramaturge et metteur en scène israélien Hanokh Levin (1943-1999) s’est emparé de ce récit biblique et en a livré une réécriture corrosive en 1981, dans une mise en scène qui fit scandale. Dans cette version, l’auteur nous renvoie à l’image d’un monde sans Dieu où le mal triomphe et où l’injustice est la règle. C’est ainsi que Job, homme riche, repu et bien entouré au début de la pièce, subit épreuve sur épreuve jusqu’à une mort particulièrement dégradante.

Face à l’absurdité de l’existence et à la banalité du mal, les humains n’ont que de vaines paroles à offrir. En témoigne la scène faisant écho à l’histoire biblique, au cours de laquelle trois amis de Job tentent de le convaincre qu’il ne souffre pas sans raison, qu’il ne doit pas insulter Dieu et qu’il peut même être consolé par lui. La jeune et dynamique compagnie avignonnaise DERAÏDENZ, spécialisée dans le théâtre de marionnette, s’est ainsi emparée avec virtuosité et intelligence de l’univers tragique et caustique de Hanokh Levin.

Un choix dramaturgique fort guide la mise en scène, réalisée par Léa Guillec : les interprètes au plateau, au nombre de six, maîtrisent le texte dans son intégralité et sont par conséquent en mesure d’interpréter tous les rôles. La distribution est ainsi changeante et c’est le public lui-même qui la tire au sort juste avant la représentation, posant la question des mécanismes de détermination d’un bouc-émissaire. En miroir de Job, figure de l’individu frappé par le malheur, ce sont bel et bien les masses qui sont le moteur de la pièce, car elles maîtrisent et entretiennent les mécaniques de la violence.

Les marionnettes se retrouvent également au cœur de la dramaturgie, grâce au travail de Baptiste Zsilina et Églantine Remblier. Elles portent justement en elles cette violence omniprésente dans la pièce : cadavres des enfants de Job, soudards ou encore le corps supplicié de Job lui-même à la fin. Au-delà de ce travail spécifique, c’est tout un univers esthétique, tournant autour de l’horrifique, du grotesque et de l’onirique que propose la cie DERAÏDENZ et chacun de ces éléments est mis au service de la dramaturgie et de l’écriture de Hanokh Levin.

Plus qu’une compagnie, DERAÏDENZ est un collectif d’artistes et de nombreuses belles mains qui contribuent à faire de ce spectacle un moment de théâtre total dont les spectatrices et spectateurs ne ressortent pas indifférents.

Les Souffrances de Job de la Cie DERAÏDENZ, mise en scène Léa Guillec © Serge Gutwirth

Informations pratiques

LES SOUFFRANCES DE JOB – Compagnie DERAÏDENZ
FEST’HIVER Festival de Théâtre Avignon du 25 janvier au 9 février 2023

Auteur
Hanokh Levin (Traduction Jacqueline Carnaud et Laurence Sendrowicz), éditions Théâtrales

Direction et Mise en scène
Léa Guillec

Avec
Coline Agard, Hugo Boulanger, Marion Gassin, Sarah Rieu,
Rémy Salvador, Baptiste Zsilina, Églantine Remblier
Marionnettes et accessoires Baptiste Zsilina et Églantine Remblier
Composition musicale Baptiste Zsilina
Scénographie, décor et machinerie Nicolas Pautrat
Création lumière et régie générale Loris Lallouette
Costumes Salvatore Pascapè, Charlie Fougereux, Lucile Molinier, Sarah Rieu, Léa Guillec