[Fest'Hiver Avignon] "LUNE JAUNE OU LA BALLADE DE LEILA ET LEE", avec l’écriture de David Greig la Cie IL VA SANS DIRE raconte l’adolescence, la quête d’identité et interroge la fiction

Lune jaune ou la ballade de Leila et Lee, mise en scène Olivier Barrère © Valentin Tallon

« Vous avez lu l’histoire de Jesse James, comment il vécut, comment il est mort… Ça vous a plu hein ! Vous en demandez encore ? Alors écoutez l’histoire de… Leila et Lee ! » Deux adolescents au seuil de l’âge adulte confrontés à ce passage et à toutes les questions qu’il implique : rêver sa vie ou la vivre ? Accepter la déception lorsque la réalité n’est pas à la hauteur des rêves ? Se métamorphoser, quitter l’enfance, prendre des risques et ses responsabilités… Sans pour autant renoncer à l’enfant que l’on a été.

Autant de questions – et bien d’autres encore – posées par le dramaturge écossais David Greig dans Lune jaune ou la ballade de Leila et Lee, œuvre portée à la scène par la Cie IL VA SANS DIRE dans une traduction de Dominique Hollier. Cette pièce est programmée dans le cadre du Fest’Hiver, Festival de théâtre à Avignon qui se déroule du 25 janvier au 9 février 2023. Lee, c’est le garçon un peu paumé qui se rêve en caïd et qui vit dans la banlieue de Glasgow avec sa mère, en proie à la dépression. Leila, c’est la fille d’apparence sage d’un couple de médecins émigrés, d’origine vraisemblablement syrienne. Ne se sentant pas totalement à sa place dans cette ville où elle est renvoyée à son statut d’immigrée, elle vit à travers la lecture des magazines people et des scarifications qu’elle s’inflige, pour se sentir enfin vibrer.

Un soir, Lee commet l’irréparable et tue son beau-père suite à une rixe, en présence de Leila. S’en suit une cavale à la « Bonnie & Clyde » des deux adolescents, toujours plus vers le nord, à la recherche du père fantasmé de Lee : mythe d’un adulte héroïque construit à partir de la fuite de celui-ci et d’une carte postale reçue des années auparavant. Mais, une fois de plus, la réalité sera-t-elle à la hauteur des espérances ?

Le metteur en scène Olivier Barrère a l’habitude de s’emparer de matériaux littéraires dont le cœur battant est le récit : textes de Patrick Kermann, Alessandro Baricco ou encore Éric Vuillard. Au cœur de son travail, se pose la question de la fiction, de ce qu’on raconte, de comment on le raconte, de ce que ÇA raconte. Les interprètes sont donc dirigés sur cette ligne de crête abrupte entre incarnation et narration. Peut-être que toute cette cavale trépidante, c’est Leila qui se la raconte du début à la fin, seule, dans sa chambre, mais tous les éléments sont mis en place pour que le récit aille jusqu’au bout. Pour que l’histoire aille jusqu’au bout.

Erick Priano a conçu une scénographie délimitant un espace intime – peut-être celui de la chambre – depuis lequel le récit de Leila pourra se déployer. La musique en direct, grâce à la présence au plateau de Nico Morcillo, et la vidéo sont également omniprésentes, comme c’est souvent le cas dans l’univers des adolescents. Elles donnent à voir et à entendre l’espace intime de Leila, tout en accompagnant son histoire. Dans la partition de l’adolescente taciturne mais en quête de sensations fortes, Marion Bajot livre une interprétation sans fausses notes, à la fois solaire et aérienne, sur un fil tendu entre le récit et l’incarnation. Ses acolytes ne sont pas en reste : Thibault Pasquier donne à voir toutes les fêlures de Lee sous sa carapace de faux dur et Cédric Marchal incarne une figure paternelle pétrie de contradictions, montrant toute la complexité du monde des adultes, pourtant tant fantasmé par Lee. Enfin, Titouan Huitric, notamment grâce à sa corporalité, vient jouer les trublions dans le récit que portent Leila et Lee et pousse l’histoire à aller toujours plus avant, jusqu’à son dénouement haletant.

Lune jaune ou la ballade de Leila et Lee, mise en scène Olivier Barrère © Valentin Tallon

Informations pratiques

LUNE JAUNE OU LA BALLADE DE LEILA ET LEE – Compagnie IL VA SANS DIRE
FEST’HIVER Festival de Théâtre Avignon du 25 janvier au 9 février 2023

Auteur
David Greig (Traduction Dominique Hollier), éditions Théâtrales Jeunesse

Mise en scène
Olivier Barrère

Avec
Marion Bajot, Cédric Marchal, Thibaut Pasquier, Titouan Huitric
Collaboration artistique Aurélie Pitrat
Musique Nico Morcillo
Scénographie, lumière et images Erick Priano
Costumes Coline Galeazzi
Production Compagnie Il va sans dire