Article d’Ondine Bérenger
« J’ai l’honneur de ne pas vous présenter ma candidature »
C’est par cette simple phrase, qui n’est pas sans rappeler une certaine chanson de Brassens, que l’on pourrait résumer cette pièce au synopsis surprenant. En effet, il s’agit là de la mise en scène et en voix d’une succession de lettres écrites par l’artiste plasticien Julien Prévieux, en réponse à diverses offres d’emploi. Etranges lettres cependant, puisqu’elles expriment une non-candidature, un refus d’obtenir le poste proposé ; et, plus étonnant encore : elles ont réellement été envoyées par l’artiste, et les quelques réponses également présentées dans la pièce sont authentiques.
Si l’exercice original est aussi cocasse qu’intéressant, l’idée de le porter au théâtre, elle, est un pari très risqué. Comment, en effet, mettre en scène une succession de courriers rédigés dans un jargon administratif, sans autre forme de récit ?
Vincent Thomasset s’attèle à cette tâche dans la simplicité : une scène grise, sans autre décor qu’une lampe moderne suspendue au plafond, et un écran de projection qui affiche, dans un style un peu ancien qui semble décalé, les offres d’emploi et les réponses des entreprises aux fameuses lettres de non-motivation ; en guise d’éclairage, de simples lumières blanches, presque blafardes. De quoi, apparemment, laisser toute sa place au texte et au jeu des comédiens, car ce visuel moderne et épuré donne surtout une impression dérangeante de vacuité, que la taille imposante de la Grande Salle du Centre Georges Pompidou n’aide pas à résorber.
Fort heureusement, les comédiens maîtrisent leur art, et la mise en scène de ces lettres nous offre quelques trouvailles très amusantes et utiles, en ce sens qu’elles mettent en valeur une réflexion sur le travail original de Julien Prévieux, sur le marché du travail, et sur le langage utilisé.
En particulier, Anne Steffens et Johann Cuny incarnent leurs personnages de manière particulièrement convaincante, et leurs prestations représentent très certainement les meilleurs moments de la pièce.
Mais, hélas, ces instants qui font rire le public et démontrent le réel potentiel du projet sont trop rares, et l’incessante litanie de ce jargon administratif se fait vite répétitif et semble un peu plat.
Finalement, la représentation théâtrale de ces échanges épistolaires ne présente qu’un intérêt limité. Elle prendrait certainement davantage de densité et de force dans une salle plus petite, qui permettrait une proximité plus importante avec le public. En effet, le manque d’unité de l’œuvre la rendrait peut-être plus proche d’une succession de sketchs ou de saynètes que d’une pièce de théâtre de plus d’une heure.
Le résultat reste néanmoins assez plaisant, mais laisse un sentiment frustrant d’exploration prometteuse mais inachevée.
Lettres de non-motivation
d’après le projet de Julien Prévieux
mise en scène Vincent Thomasset
assistée de Brune Bleicher
avec David Arribe, Johann Cuny, Michèle Gurtner, François Lewyllie, Anne Steffens
scénographie, en collaboration avec Ilanit Illouz, conseils et réalisation Anaïs Heureaux
costumes Rachel Garcia
régie générale Vincent Loubière
création sonore Pierre Boscheron
lumières Annie Leuridan
Du 30 septembre au 3 octobre à 20h30
Centre Georges Pompidou
Place Georges Pompidou
75004 Paris
https://www.centrepompidou.fr/
Du 10 au 21 novembre à 20h (relâche le dimanche)
Théâtre de la Bastille
76 rue de la roquette,
75011 Paris
http://www.theatre-bastille.com/