[Festival d’Automne] « HARTAQĀT (HÉRÉSIES) », Exil en trois chapitres

Hartaqāt (Hérésies), mise en scène Lina Majdalanieet Rabih Mroué © Nora Rupp

Non seulement la pièce Hartaqāt (Hérésies) est en 3 parties, mais notre parcours de participant peut l’être également puisque 2 autres temps autour de la pièce de 2h du 19 au 30 septembre sont possibles : la masterclass le samedi 23 septembre de 16h à 17h30 et l’atelier d’écriture du lundi 25 septembre à 18h. Depuis janvier 2023, le théâtre du Rond-Point n’est plus dirigé par Jean-Michel Ribes (2001 à 2022). La nouvelle direction est bipartite avec Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel de la compagnie « Les Arts Sauts ». La pièce s’insère dans le Festival d’Automne à Paris, festival artistique pluridisciplinaire contemporain annuel en France depuis 1972. Ouvert depuis le 7 septembre 2023, il rassemble cette année 82 projets artistiques à Paris et en Île-de-France.

Au fil d’une œuvre inventive, Lina Majdalanie et Rabih Mroué sondent le Liban, leur pays natal qu’ils ont quitté pour vivre à Berlin. Dans Hartaqāt (Hérésies), spectacle créé au Théâtre Vidy-Lausanne en janvier 2023, ils font appel pour la première fois à trois auteurs libanais de générations différentes qui racontent, chacun à sa manière, leur vie passée sur un territoire qu’ils ont dû laissé pour renaître ailleurs. Les portraits de celles et ceux qui, courageusement, ont aboli les frontières de tout ordre sont incarnés pour le premier et troisième par des personnes de sexe opposé à l’auteur ou autrice. À travers leurs récits, Rana Issa, Souhaib Ayoub et Bilal Khbeiz mettent des mots sur des combats de genre, langues, classes sociales et religions. Porté par la musique de Raed Yassin, le spectacle en arabe et français, surtitré en français, donne au public matière à réflexion sur l’exil sans pathos.

Le premier chapitre s’appuie sur le texte de Rana Issa Incontinence. Sarmad Louis endosse le rôle d’un presque conteur, musicien à la contrebasse sur les courbes de laquelle se calent de petits instruments surprenants dans les sons qu’ils émettent. Lina Majdalanie assume ce choix de comédien pour que les hommes apprennent ce que les femmes ressentent. En n’ayant pas de fonction dramatique, la contrebasse oblige aussi à se distancer. L’histoire d’une grand-mère, Izdihar, réfugiée Palestinienne au Liban nous est livrée dans une lignée de femmes au même destin de mères vouées à leur famille. Elle déraille quand elle s’éprend de liberté à travers le sexe, traînant une réputation qui la poursuit. La lexicologie est convoquée pour mettre en évidence la proximité de mère, Oum, d’analphabète, Oummiyya et communauté, nation, Oumma.

Le deuxième chapitre contient la particularité d’être joué par Souhaib Ayoub, né à Tripoli, auteur du texte L’imperceptible Suintement de la vie. Il anime par ailleurs l’atelier d’écriture proposé au public du Rond-Point en bousculant les pratiques habituelles pour notre plus grand plaisir. L’humour s’invite comme distance à la douleur d’un être qui se débat dans les frontières de genre et de religion dans un pays où le régime politique d’unification islamique n’a aucune tolérance pour quelque « déviance » que ce soit. Son corps est le support de sa parole, d’une parole trahie à laquelle le langage des signes vient à son secours. Cette parole, hors de lui, le trompe et il essaie avec des gestes qu’il nous communique.

Le troisième chapitre a pour support le texte de Bilal Khbeiz Mémoires non fonctionnelles qui ne raconte pas son histoire personnelle contrairement aux deux autres. Lu par Lina Majdalanie, le texte est accompagné de la projection d’une toile créée avant la pièce et exposée à Berlin sur un long écran. Comme un parchemin du Moyen-Âge, l’Enfer de Dante, l’interminable déroulé de catastrophes montre l’histoire de toutes les générations. La violence inutile et vaine conduit à la défaite de l’humain face à une histoire violente qui n’en finit pas. Le vent du progrès ne chasse pas cet empilement de décombres qui obligent à naître une seconde fois mais en se retrouvant enfant en tant qu’adulte, c’est-à-dire sans la naïveté et spontanéité du premier.

Cependant, il ne s’agit pas d’un théâtre post-traumatique de l’exil mais d’un théâtre qui renouvelle ses formes en fonction du monde qui change pour réfléchir, analyser, décortiquer et faire des propositions. Les particularités locales servent les structures communes au monde entier où tout un chacun est conditionné par un même système, avec les effets de l’exil, l’impossibilité de communiquer et le sentiment de solitude. Les 3 pièces d’auteurs libanais, les 3 expériences d’écriture et les 3 expériences biographiques se chevauchent pour offrir au spectateur 3 chapitres d’une pièce exigeante et vibrante sur un exil multiforme, c’est-à-dire des exils.

Hartaqat Hérésies c Nora Rupp

Hartaqāt (Hérésies), mise en scène Lina Majdalanieet Rabih Mroué © Nora Rupp

Informations pratiques

HARTAQĀT (HÉRÉSIES)
dans le cadre de Festival d’Automne édition 2023 du 7 septembre 2023 au 30 janvier 2024

Auteur(s)
Rana Issa, Souhaib Ayoub, Bilal Khbeiz

Conception et mise en scène
Lina Majdalanie et Rabih Mroué

Avec
Souhaib Ayoub, Lina Majdalanie, Raed Yassin
Musique Raed Yassin
Chorégraphie Ty Boomershine
Vidéo Rabih Mroué
Lumières Pierre-Nicolas Moulin
Animation Sarmad Louis
Programmation vidéo Victor Hunziker
Stagiaire à la mise en scène Juliette Mouteau
Production Tristan Pannatier, Anouk Luthier
Régie générale Martine Staerk
Régie lumière Julie Nowotnik
Régie vidéo Jad Makki
Traductions Lina Majdalanie, Tarek Abi Samra, Tristan Pannatier

Dates
Du 19 au 30 septembre 2023 dans le cadre du Festival d’Automne 2023, Théâtre du Rond-Point à Paris

Durée
1h55

Adresse
Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin Roosevelt
75008 Paris

Informations complémentaires
Théâtre du Rond-Point
www.theatredurondpoint.fr

Festival d’Automne édition 2023
www.festival-automne.com