Hurlula de Flora Détraz © Thanh-Ha Bui
Dans un grand silence, précédée de son film, la comédienne surgit sur scène au cœur d’une atmosphère lugubre voire effrayante. Elle incarne d’abord une sorte de créature, figure presque maléfique, a priori tout droit sortie des abysses : les yeux paraissent révulsés, les traits du visage paralysés. Tout porte à croire que le démon se tient là, face à la salle comble, juché sur un cratère infernal dont la lave faite de lumières rouges semble brûlante.
Ce décor, probablement le symbole d’une rage contenue et qui entre enfin en éruption, semble être tout aussi bien la représentation des entrailles, des profondeurs de la Terre, voire des enfers dans lesquels Flora Détraz laisse s’échapper des sons étranges, semblables parfois à un chant. Progressivement, ces sons répandus dans l’espace glissent vers une sorte de cri, presque animal, et la comédienne prend alors la forme d’un drôle d’oiseau à travers sa gestuelle, proche d’un mouvement dansé. Le cri, quant à lui, se transforme en hululement, rappelant la contraction de ce mot avec celui du hurlement humain que l’on retrouve dans le titre même du spectacle, Hurlula.
travers les capacités vocales sidérantes de la comédienne, cette exploration du matériau mouvant qu’est le cri, à la fois humain et animal, familier et étrange, est accompagnée musicalement. Sur scène, un musicien reconstitue en temps réel les bruits de la nature à l’aide de ses instruments, jouant un rôle ici essentiel : plus qu’une simple illustration ou imitation, chaque note est elle-même personnage, produisant un effet sur le corps hybride de la comédienne. Le dialogue se crée entre la composition instrumentale, mêlée également à des pré-enregistrements, et la partition du jeu ainsi rythmé par le moindre son.
Extrêmement travaillée, toute l’ambiance sonore de la performance de Flora Détraz donne donc à entendre – tantôt avec force et éclat, chassant les émotions refoulées, tantôt avec parcimonie – un cri, ou des cris de rage, de peur, de joie ou encore d’exaltation. Elle invite les spectateurs à éprouver toute une palette de sensations, d’émotions, éveillant ainsi leurs sens et interrogeant le cri lui-même dans ce qu’il a d’insaisissable.
À l’expérience sensorielle proposée s’ajoutent une dimension théâtrale, de l’ordre du mime voire du clown, et un ton tragi-comique. Le tout se dispense des mots, dont la nécessité est ici remplacée par celle du geste, de la voix et de la musique, tout autant libérateur, si ce n’est davantage.
Hurlula, une expérience sensorielle étonnante et entièrement inédite.
Hurlula de Flora Détraz © Thanh-Ha Bui
Informations pratiques
HURLULA – Compagnie Pli
dans le cadre du Festival d’Automne à Paris édition 2023
Auteur(s)
Flora Détraz
Chorégraphie
Flora Détraz
Interprétation
Flora Détraz
Musique Lê Quan Ninh, Claire Mahieux et Flora Détraz
Percussions Lê Quan Ninh
Larsens et conception son Claire Mahieux
Conception scénographie Nadia Lauro
Conception et régie lumière Arthur Gueydan
Conception costumes Flora Détraz et Nadia Lauro
Regard extérieur Agnès Potié
Régie plateau Tatiana Carret
Réalisation scénographie Nadia Lauro, Marie Mareca, Nina Michel
Réalisation costumes Chloé Courcelle
Remerciements héo Aucremanne
Vidéos
Réalisation et interprétation Flora Détraz
Images Vincent Bosc
Son Claire Mahieux
Conseillère artistique Justine Bougerol
Dates
Du 11 au 13 octobre 2023 au Centre Pompidou, Paris
Durée
1h30
Adresse
Centre Pompidou
Place Georges Pompidou
75004 Paris
Informations complémentaires
Centre Pompidou
www.centrepompidou.fr/fr/programme/spectacles-concerts
Festival d’Automne édition 2023
www.festival-automne.com
Flora Détraz – Compagnie Pli
www.compagniepli.org