[Festival d’Automne] "MÉMÉ", une ode poignante aux femmes des jours passés

Mémé de Sarah Vanhee © Bea Borgers

À l’occasion de l’édition 2023 du festival d’Automne, promouvant chaque année à Paris des créations artistiques pluridisciplinaires et contemporaines depuis 1972, la comédienne Sarah Vanhee présente son seule en scène intitulé Mémé.

À la fois technicienne et actrice, Sarah Vanhee tire les ficelles de son spectacle, pièce par pièce. Une fois les spectateurs installés, elle fait apparaître une toile blanche sur laquelle est aussitôt projetée une vidéo d’elle et son enfant, interrogeant dans un flamand occidental leur rapport au néerlandais et à la Belgique. Sensiblement, elle met en scène la relation filiale qu’ils entretiennent, pleine de complicité et de tendresse, avant de raviver la mémoire de leurs ancêtres, en l’occurrence de leurs (arrières) grand-mères.

D’abord ensemble, la mère et son enfant agencent l’espace de la chambre à coucher, de l’intime, avant d’entrer en communication avec elles. Avec une légèreté enfantine, ils instaurent une sorte de rituel, orné de ballons de fête et de fanions, comme pour convoquer les esprits de ces femmes du passé, à la présence fantomatique. Puis, chacun de leur côté, ils entament un dialogue avec elles : Sarah Vanhee quitte l’espace vidéo pour raconter, sur scène, l’histoire de ses « Mémés ». Quant à l’enfant, qui ne les a pas connues dans le monde physique, il s’adresse à elles face caméra et, avec la plus profonde innocence, leur montre ses jouets, qu’il est prêt à partager, ou encore l’appartement dans lequel il vit.

La pièce est traversée à plusieurs reprises par ce parallèle opéré entre le regard que porte l’enfant sur ces dames, et celui de la comédienne. Son témoignage, alternant le français et le flamand, est terriblement poignant, frappant en plein cœur par sa justesse, sa douceur et la compassion qu’il suscite. De la mise en scène émane une très grande poésie, délivrée dans un espace tantôt réel, par le biais de la vidéo, tantôt imaginaire, caractérisé par le théâtre d’ombres et d’objets. Sarah Vanhee redonne vie à ses grands-mères, et à toutes les générations qui les ont précédées, fabriquant visuellement un immense arbre généalogique à l’aide d’une ribambelle de poupées inexpressives – un peu macabres mais étonnantes – qu’elle offre comme repères aux spectateurs, plongés dans l’intime d’une famille aux histoires douloureuses et complexes.

Plus qu’un récit personnel, Sarah Vanhee fait de son spectacle un véritable voyage dans le temps, à travers des époques à présent révolues mais dont la trace demeure encore aujourd’hui ineffaçable. En 100 ans, le monde a connu de nombreuses mutations, tant sur le plan social que politique, en particulier pour les femmes auxquelles la comédienne rend hommage à travers la figure de ses grands-mères. Mémé, c’est avant tout une ode joyeuse à ces deux dames qui représentent toutes les autres, ces oubliées, ces invisibles, ces corps qui comme elles, ont passé leur existence à se sacrifier : dans les champs, à la maison, pour leurs maris ou leur progéniture ; en 100 ans, tout cela semble avoir changé, c’est du moins sur cette note féministe d’espoir que la pièce nous laisse, le corps vibrant d’être plus libre qu’auparavant.

Mémé de Sarah Vanhee © Bea Borgers

Informations pratiques

MÉMÉ
Spectacle en néerlandais, flamand occidental et français, surtitré en français
dans le cadre du Festival d’Automne à Paris édition 2023

Conception, texte et performance
Sarah Vanhee

Décor et scénographie Toztli Abril de Dios
Son Ibelisse Guardia Ferragutti
Regard extérieur Christine de Smedt
Performance à l’écran Leander Polzer Vanhee
Technique Geeraard Respeel, Babette Poncelet
Avec la précieuse contribution de la famille Vanhee-Deseure
Spectacle dédié à Margaretha Ghyselen, Denise Desaever