« FESTIVAL DE CAVES 2019 – WEEK-END D’OUVERTURE À BESANÇON  » Créations contées, rêveries ou voyages intérieurs : la vie en face !

« En mai, fais ce qu’il te plaît » dit le proverbe et avec les ponts, ce sont de nouvelles occasions de voyages et de découvertes. À Besançon, s’ouvre la 14ème édition du Festival de Caves avec 24 spectacles conçus en totale liberté où s’associent écrivains, metteurs en scène et comédiens. Guillaume Dujardin a initié cette aventure de théâtre souterrain en 2006 avec la Compagnie Mala Noche. Favorisant les échanges et soutenant la création contemporaine et les jeunes générations, le metteur en scène ouvre le champ des possibles de la représentation avec une écoute optimisée dans un espace restreint (cave ou sous-sol) qui accueille dix-neuf spectateurs. À ses côtés, une troupe de fidèles et des artistes invités se retrouvent dès avril pour répéter et jouer les spectacles du 10 mai au 28 juin. La présidente du festival Elizabeth Pastwa et une dizaine de membres permanents œuvrent tout au long de l’année pour que cet événement soit une réussite.

Ce vendredi 10 mai, soirée d’inauguration officielle du Festival de Caves, les créations (10 nouvelles et une reprise) et les lieux sont dévoilés avec la complicité des artistes. Des textes spécifiquement écrits pour les caves, des univers contrastés qui questionnent notre monde actuel. Le public est là au rendez-vous, fidèles ou novices pour vivre l’expérience unique « des Caves ». Des moments exceptionnels, loin de l’agitation extérieure à partager jusqu’au 28 juin dans 100 villes et villages en France et aussi en Suisse.
Si la météo semble capricieuse en ce deuxième week-end de mai, les pluies font miroiter les façades en pierre de Chailluz du centre historique bisontin baigné par le Doubs. Des bleu-gris et des beige-ocre qui contrastent avec le ciel et dessinent de beaux tableaux. Aux premières éclaircies, l’architecture s’impose de tout son éclat. Les spectateurs n’ont qu’une hâte : se glisser dans le théâtre souterrain pour découvrir « les Premières » de cette nouvelle édition.

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« Baleine » © Patrice Forsans

C’est devant la statue de Victor Hugo, écrivain romantique du XIXème siècle né à Besançon que le rendez-vous est donné avant la première représentation. Les festivaliers scrutent du regard les alentours en essayant de deviner le lieu enfoui où va se jouer la scène. Le groupe contourne un édifice imposant, descend quelques marches et pénètre dans une semi-obscurité au coeur de la création, la Baleine de Simon Vincent. Son écriture ciselée nous entraîne dans un voyage intérieur étonnant. L’auteur et metteur en scène porte un regard sur la vie, il éclaire les élans des êtres en proie à la solitude avec leurs angoisses, leurs désirs et une belle capacité à rêver et à s’ouvrir vers d’autres horizons laissant tout ce qui peut advenir… Ses présentations montrent sa sensibilité et sa fascination pour l’individu, toute sa complexité, et une certaine magie qui s’en dégage face à l’univers infini. Ainsi, l’artiste a abordé le thème de la paranoïa avec l’excellent La Visite (de mes spectres) interprété par Damien Houssier, la métamorphose et les créatures animales dans Comme je suis, terrain vague.
Il explore la littérature maritime et confie à la comédienne Anne-Laure Sanchez ce nouveau texte qu’elle fait résonner avec une clarté limpide sur la scène épurée. D’une torpeur apparente, la protagoniste semble résignée dans son refuge mais de temps à autre des désirs impétueux de fuite, d’un ailleurs, l’envahissent et elle tente de les refréner. Face à elle l’immensité de la mer et l’appel du large, malgré de réels dangers les rêves se poursuivent et des émotions fortes naissent à l’image du gigantesque mammifère marin. Osera-t-elle prendre des risques et sortir de sa quotidienneté atone pour envisager l’avenir ? Si la mise en espace est encore fragile, la proposition laisse voguer chacun entre rêves et réalité. Du captif imaginant la mer derrière la colline ou du gabier du haut de sa frégate apercevant de nouvelles terres, de belles traversées en perspective pour celui ou celle qui sait se projeter en avant.

L'ECRITURE OU LA VIE (C) Patrice Forsans (1)

« L’Écriture ou la vie » © Patrice Forsans

Non loin de la Porte Rivotte, nous avons rendez-vous avec l’Histoire. Celle tout d’abord de cette adaptation de L’Écriture ou la vie de Jorge Semprún mise en scène par Guillaume Dujardin. À l’origine, c’était une commande du Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon faite il y a une vingtaine d’années. Le spectacle interprété par le comédien Régis Goudot dans une cave, fit germer l’idée de l’exploration de nouveaux espaces scéniques. Ainsi en 2006, Guillaume Dujardin créa le Festival de Caves à Besançon qui se développe chaque année un peu plus. Il choisit de reprendre cette création mais voilà peu de notes ont été conservées. Riches de leurs expériences respectives, les deux artistes ont voulu donner un nouveau souffle à ce récit vingt ans après.
C’est à l’âge de vingt ans que l’étudiant en philosophie à la Sorbonne Jorge Semprún, résistant espagnol fut déporté en 1943 dans le camp de concentration de Buchenwald. Libéré en avril 1945, il devint membre du Parti Communiste espagnol et coordonna la résistance au général Franco. Mais comment avancer quand on vient de faire l’expérience de la mort ? Devenu écrivain, ce n’est qu’en 1963 qu’il évoquera les camps dans une fiction Le Grand Voyage. Et bien plus tard, il reprendra son ouvrage autobiographique pour parler de l’après, de la difficulté de s’exprimer, des voies pour renaître enfin.
Revêtu d’un pardessus sombre, l’écrivain est là assis sur une chaise, au milieu de ses ouvrages qui jonchent le sol. Une lampe éclaire faiblement son visage. Régis Goudot saisit l’auditoire et c’est le témoignage bouleversant du survivant que l’on reçoit en pleine face. De la difficulté d’écrire, de bien raconter et de voir que la vie reprend peu à peu ses droits, une poésie fine se dégage de ce texte puissant, soulignée par la scénographie et les lumières qui parcourent la cave voûtée. L’interprétation est d’une infinie justesse et à la hauteur de cette dramaturgie forte. On apprécie les nombreux ressorts qui donnent du rythme et accompagnent ce cheminement intérieur. Un très beau travail qui nous emplit d’émotions à voir notamment lors des journées du patrimoine consacrées à l’Art, le 18 mai à la Citadelle de Besançon et dans d’autres lieux durant le Festival de Caves.

LE ROI AU MASQUE D'OR (C) Patrice Forsans (2)

« Le Roi au masque d’or » © Patrice Forsans

Place au fantastique avec Le Roi au masque d’Or écrit par Marcel Schwob. Le metteur en scène Étienne Pommeret met en lumière la finesse du texte de l’écrivain français qui nous invite à un étonnant voyage. Il confie le jeu à la comédienne Anaïs Mazan, membre fidèle du festival. Dans une tenue éclatante aux drapés soyeux, réalisée par Louise Yribarren, la femme s’avance au milieu de quelques oeuvres, décor sommaire d’un palais imaginaire. Sur son visage, est peinte l’esquisse bleutée d’un masque. Le personnage nous conte l’histoire d’un roi qui porte comme étrange attribut un masque d’or et tous ses sujets arborent également un masque. Dame de la cour, elle s’adresse au monarque avec toute la déférence qui lui est due. Au fil de la narration, elle porte les personnages qui traversent cette épopée insolite en quête de vérité. Malgré les limites instaurées, l’ordre établi s’effrite et les coutumes ancestrales vont être mises à mal. Que cachent le masque d’or et tous ces masques qui ne laissent voir aucun visage humain ? Si au théâtre il permet une certaine distanciation, le masque vient aussi dire certaines vérités qui ne pourraient être prononcées ou perçues de la même manière dans notre simple condition d’Homme de la société. Quel message le poète a voulu nous transmettre ? Si le texte révèle tout son éclat et nous maintient attentifs, l’ensemble peine à nous emporter malgré une belle interprétation d’Anaïs Mazan et quelques bonnes idées.

LE REVEIL D'UN HOMME (C) Patrice Forsans (1)
LE REVEIL D'UN HOMME (C) Patrice Forsans (3)
LE REVEIL D'UN HOMME (C) Patrice Forsans (2)

« Le Réveil d’un homme » © Patrice Forsans

Voici une belle pépite qu’on apprécie de trouver dans la profondeur des caves et Le Réveil d’un homme se prête tout à fait bien à ce lieu. Cette variation à partir du « Rêve d’un homme ridicule » de Fédor Doistoïevski proposée par la metteuse en scène Aurélia Guillet nous expose la fragilité de l’homme et nous entraîne dans un voyage intérieur troublant. Le comédien Thomas Champeau donne à voir la profondeur d’âme du personnage qui veut se suicider et se met soudain à rêver de la mort. Cet être lucide sur le monde qui l’entoure nous fait pénétrer dans un espace intime unique où la mort à son rôle à jouer et nous renvoie à notre condition existentielle et à notre fin inéluctable. Les dialogues d’Arnaud Maïsetti sont fins et l’intensité dramaturgique est soulignée par les jeux de lumière, les sonorités et une belle mise en espace. Un très beau travail collectif porté par un comédien talentueux.
Entre rêves et réalité, un instant suspendu à découvrir à Besançon le 21 mai, à Paris début juin et en tournée durant tout le festival. À noter, Thomas Champeau présente également L’Amour est une région bien intéressante de Anton Tchekhov qu’il met en scène et joue aux côtés d’Anaïs Mazan.
Le Festival de Caves fait la part belle aux créations jusqu’au 28 juin.

Informations pratiques

FESTIVAL DE CAVES 2019

WEEK-END D’OUVERTURE À BESANÇON 10 au 12 mai 2019
« L’Écriture ou la vie »
De Jorge Semprun / Mise en scène Guillaume Dujardin / Avec Régis Goudot / Coproduction Cie Mala Noche

« Le Roi au masque d’or »
De Marcel Schwob / Mise en scène Étienne Pommeret assisté de Pauline Bléron / Avec Anaïs Mazan /
Costumes Louise Yribarren / Coproduction Cie C’est pour bientôt

« Baleine »
Texte et mise en scène de Simon Vincent avec Anne-Laure Sanchez / Coproduction Cie Mala Noche

« Le Réveil d’un homme »
Variation à partir du « Rêve d’un homme ridicule » de Fédor Doistoïevski / Proposition scénique et textuelle d’Aurélia Guillet / Dialogue dramaturgique Arnaud Maïsetti / Avec Thomas Champeau / Son Jérôme Castel Coproduction Image et 1/2 (Paris)

« Les Séquestrés »
D’après le roman de Yanette Delétang-Tardif /Interprétation et mise en scène de Camille Roy / Avec la complicité de Simon Pineau

« Un coeur sous une soutane »
D’après Arthur Rimbaud/ création et interprétation de Nicolas Dufour / avec la complicité de Ghislain Montiel et Marie-Hélène Basset

« L’Amour est une région bien intéressante »
D’après L’Ours et La Demande en mariage de Tchekhov / Spectacle conçu et interprété par Anaïs Mazan et Thomas Champeau / Coproduction Cie Mala Noche

Dates
Du 10 mai au 28 juin 2019
24 spectacles dans 100 villes et villages, 200 dates dans 10 régions en France et en Suisse

Adresse
FESTIVAL DE CAVES 2019

Théâtre souterrain en France
8/10 Avenue de Chardonnet
25000 Besançon

Informations complémentaires
http://www.festivaldecaves.fr/