[Festival de la Mousson d’été 2016], « Scènes de violences conjugales » de Perdita Ensemble et Gérard Watkins

Article de Bruno Deslot

Et si ce n’était qu’un fait divers ?

Deux hommes, deux femmes, deux rencontres et le quotidien s’installe avec son lot de cruauté, sa barbarie déchirante et révélatrice de la loi du plus fort ! Annie est à la recherche d’un emploi, dans l’espoir de se reconstruire et de retrouver ses filles, gardées chez ses parents. Elle rencontre Pascal, un photographe d’un milieu aisé, enchaînant les échecs. Liam, pour sa part, fuit une adolescence tourmentée en province afin de s’installer en région parisienne où il y rencontre Rachida, qui cherche à échapper au cadre coercitif de son milieu familial. Les deux couples s’installent dans un meublé et de manière sournoise, la violence conjugale s’installe entre eux jusqu’à atteindre son paroxysme. Les deux femmes se retrouvent en proie à une violence quotidienne à laquelle elles décident d’échapper.

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© Emile Zeizig

Un triangle inversé constitue l’aire de jeu sur laquelle les comédiens se rencontrent, s’affrontent, au rythme inquiétant d’une batterie placée en fond de scène, orchestrant les tensions les plus denses. Un jeu de lumières, se faisant l’écho des émotions des personnages, plonge le spectateur dans une intimité presque partagée. La scénographie propose une série de lignes épurées avec des couleurs neutres afin de mieux mettre en exergue toute la violence du propos. Une violence devenant exponentielle à mesure que les personnages évoluent dans leur quotidien.

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© Emile Zeizig

Gérard Watkins réussit, de main de maître, à réconcilier l’écriture de plateau et l’écriture dramaturgique en donnant le sentiment aux spectateurs de ne pas assister à un simple fait divers, dont le sujet est brûlant d’actualité, mais de restituer une urgence à dire avec la simplicité d’un champ lexical allant à l’essentiel. Dans l’écriture de cette proposition, on pressent le fruit d’un travail partant de l’improvisation pour tenter de rejoindre une écriture dramatique, dans le sens noble du terme. L’ensemble donne à la composition un réalisme assez surprenant mais prend l’allure d’un triptyque sans réelle continuité. Certes, cette spirale infernale de la violence à laquelle est inféodée la femme observe une logique très complexe à s’approprier pour l’auteur et les comédiens, mais il manque un fil conducteur donnant plus de cohérence à ces trois tableaux s’imposant en tant que tels.

Chaque couple existe sur scène isolément, permettant de mettre un point d’honneur à la dimension universelle du propos, mais la rencontre des deux couples, la montée en puissance de cette abjecte violence conjugale et cette « fin de partie » où chacun y va de son couplet pour évoquer, sous la forme de témoignages, les errances de sa propre vie font l’effet d’un pétard mouillé.

Bienheureusement, les comédiens nous tiennent en haleine durant tout le spectacle et la direction d’acteurs est puissante. À l’évidence, cette proposition évoluera au fil des représentations grâce à une réflexion commune et un investissement, de la part de toute l’équipe artistique absolument étonnante.

 

 

Scènes de violences conjugales

De Perdita Ensemble et Gérard Watkins

Conception Gérard Watkins

Interprétation Hayet Darwich, Julie Denisse, David Gouhier, Maxime Lévêque, Yuko Oshima

Musique Yuko Oshima

Régie générale et construction Franck Lezervant

Création lumières Anne Vaglio

Scénographie Gérard Watkins

 

Dimanche 28 août 2016

 

Centre culturel Pablo Picasso

Blénod-lès-Pont-à-Mousson

Festival de la Mousson d’été 2016

Abbaye des Prémontrés

Pont-à-Mousson

Lorraine

www.meec.org