Article d’Ondine Bérenger
Le théâtre et la vie
Dans ce seul en scène survolté, Elie Triffault interprète le personnage d’Allan, ancien coiffeur devenu acteur après avoir, dix ans plus tôt, quitté son salon pour jouer Figaro dans une production professionnelle. C’est l’histoire loufoque d’une création rocambolesque qu’Allan nous raconte, se glissant dans la peau des acteurs et du metteur en scène de l’époque pour les faire revivre dans un fantasme aussi drôle et fou que poétique.
© Antoine Billet
Quelle vie se dégage du plateau, quelle énergie mise en mouvement par Elie Triffault pour embarquer le spectateur dans sa mémoire rêvée ! Sans le moindre accroc, il passe d’un rôle à l’autre en un éclair, jonglant entre les répétitions (chaotiques) de textes classiques et la peinture douce-amère de la vie d’une troupe de théâtre atypique. Les interrogations se révèlent au fil du récit avec délicatesse : comment, en étant contraint, peut-on être libre ? Le rire est-il une arme assez puissante pour défaire les chaînes ? C’est ici une ode à la liberté sous toutes ses formes qui surgit dans l’espace restreint plateau : liberté vitale, liberté artistique, créatrice…
Durant plus d’une heure, le rythme est soutenu jusqu’au vertige, les personnages prennent vie dans tous leurs excès, leurs contradictions, leur invraisemblance même. Mario par exemple, ce fantasque metteur en scène, n’est-il qu’un pauvre fou ou au contraire, un ambassadeur du rêve ? On hésite, on change d’idée, on ne sait. Sans doute est-il tout à la fois…
© Antoine Billet
De cette représentation, on ne regrettera que le volume sonore parfois incommodément élevé, dû à un tel déferlement d’énergie dans une salle si étroite, ainsi qu’un léger manque de clarté dans la ligne temporelle du récit : le chevauchement des mises en abîmes théâtrales et chronologiques retarde la compréhension du spectateur. Toutefois, le dénouement présente un immense intérêt, et signe véritablement l’originalité d’une telle création qui, sans cela, aurait pu n’arriver nulle part. Mais on n’en dira pas davantage…
Quoiqu’il en soit, cette pièce est un condensé simple et saisissant d’originalité, de réflexion et de vie qu’il est fort agréable de découvrir.
Figaro, j’aurais mieux fait de rester coiffeur
de et mis en scène part Thomas Condemine
de et avec Elie Triffault
Lumières Baptiste Lechuga
Régie générale Baptiste Bussy
Voix enregistrées Yves Beaunesne, Lou Chauvain et Claude-Bernard Pérot
du 30 novembre 2016 au 14 janvier 2017
Lucernaire
53 rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris