Article de Pierre-Alexandre Culo
« Avec l’Histoire va, rien ne va. »
Après sa création autour du Nouveau Roman, un long-métrage à partir des Métamorphoses d’Ovide, Christophe Honoré se plonge dans une Fin de l’Histoire à l’humour léger et aux logorrhées philosophiques indigestes. Il défend et tente de déployer sur le plateau un monstre aux qualités immatures, dans une « forme impure, joyeuse et vivace ». Un défi amplement atteint mais qui subit ses limites de représentation, sombrant dans un discours élitiste et complaisant tout en se parant d’une frivolité scénique convenue et inadaptée.
Fin de l’Histoire se déploie autour d’une matrice centrale qu’est la pièce inachevée de Gombrowicz (L’histoire (Opérette) ) ainsi qu’un florilège de textes de l’auteur polonais et de philosophes tels que Hegel, Marx ou encore Fukuyama. L’ensemble se concentre dans une reconstitution imposante de la gare de Varsovie, où la famille du jeune Witold va entamer le procès de cet adolescent immature, refusant de se conformer au monde cloisonné des adultes. La forme est hétéroclite mais finement élaborée, passant subtilement du texte de la pièce à l’écriture de plateau ou encore aux textes ajoutés. Les comédiens circulent avec joie et entrain entre les figures de la fable, les personnages philosophiques ou historiques ( Staline, Hitler, Mussolini…).
Les comédiens arrivent tout de même à prendre en charge des textes difficiles et denses qui s’essoufflent, malgré une énergie fortement palpable, dans un trop-plein d’informations. Le spectacle se veut intelligent, bien-pensant, à destination d’un public qui semble se conforter dans une autosatisfaction intellectuelle, ou du moins qui se plaît à le faire croire. Les interprètes vacillent maladroitement entre un jeu théâtralement explosif et l’intimité d’un jeu cinématographique. Une mise en scène qui se veut moderne et affranchie de tous codes en usant de sang, de terre, de peintures sur les décors et également d’un usage incessant de micros. Rien ne sert véritablement le propos ni l’identité du metteur en scène et l’on retient davantage l’inscription dans une veine esthétique, que l’émergence d’une nouvelle forme. Ne fait pas du Vincent Macaigne qui veut.
Malgré une distribution exemplaire et des soubresauts scéniques d’une folie jubilatoire, Fin de l’Histoire peine à se défaire de sa nature théorique afin de trouver la pleine vitalité de sa réalisation.
Fin de l’Histoire
d’après Witold Gombrowicz
Texte et mise en scène Christophe Honoré
Scénographie Alban Ho Van
Lumière Kelig Le Bars
Création Costume Marie La Rocca
Avec Jean-Charles Clichet, Sébastien Éveno, Julien Honoré, Erwan Ha Kyoon Larcher, Elise Lhomeau, Annie Mercier, Mathieu Saccucci, Marlène Saldana
Du 3 au 28 novembre 2015
Théâtre de la Colline,
15 rue Malte Brun
75020 Paris
http://www.colline.fr/