« AU GALOP »  Poésie marionnettique et faux-mouvements aériens 

Dans le cadre du festival SPOT dédié aux formes et équipes nouvelles au théâtre Paris-Villette, le metteur en scène Pierre Guillois présente Au Galop, récit autobiographique de Stéphanie Chêne, qui, notons-le, est également l’auteur et l’interprète seule en scène de la pièce. Cette danseuse et chorégraphe perd la mobilité de ses jambes suite à un accident à cheval et sombre dans le tunnel chronophage d’une rééducation qui s’éternise jusqu’à sa rémission. La comédienne remet le pied à l’étrier le temps du spectacle, où elle apparaît harnachée et guindée tel un pantin, ses mouvements prisonniers de sangles ligamentaires. Hissée dans les airs, elle nous livre les miasmes douloureux de sa convalescence de manière décousue, se livrant tantôt à des dialogues avec des voix enregistrées, à des digressions intérieures ou à des anecdotes adressées au public.

Le concours du plasticien et vidéaste Laurent Pernot à la mise en scène provoque un indéniable coup d’éclat, les projections – oscillant entre illustration diégétique et abstraction désinvolte – déferlent sur l’écran derrière l’interprète et mouchètent son corps, créant des visuels oniriques et envoûtants. Le spectateur revit avec la comédienne son traumatisme au moyen d’images subliminales de fantômes équestres qui obsèdent et hantent à la manière de cauchemars. La création lumière est tout aussi percutante, démultipliant les ombres portées de la comédienne et superposant des silhouettes de jambes dynamiques avec son ombre immobile.

Au galop 026©ALAIN MONOT
Au galop 021©ALAIN MONOT
Au galop 011©ALAIN MONOT

© Alain Monot

Les différents épisodes s’enchaînent avec fluidité malgré l’absence de linéarité chronologique grâce à un arsenal d’accessoires, perchés eux aussi, qu’elle enfile tour à tour pour incarner les protagonistes de son séjour à l’hôpital. Le texte marque par sa justesse sur l’âpreté du quotidien des patient.es handicapé.e.s moteur, évoquant la régression à une dépendance presque maternelle, la perte de contrôle sur l’image que l’on renvoie à l’autre ou encore l’angoisse de faire un faux-mouvement irréparable. Si bouleversant son accident soit-il, le jeu de la chorégraphe n’en est pas moins empli de vigueur et de vitalité. La comédienne nous embarque dans une danse hippique suspendue où elle aborde sa rééducation avec autodérision et procède à un effeuillage graduel jusqu’à se balancer seins nus avec l’aisance d’une trapéziste. Ce paradoxe d’une femme paralysée qui déborde de pulsions de mouvement et galope dans le vide apporte une note poétique et un regain de légèreté nécessaire à la pièce. La musique aux accents ibériques et italiens adoucit également la langue parfois cinglante et fait voyager le spectateur vers le rêve d’un ailleurs, d’un exotisme loin des néons blancs et des effluves de naphtaline.

Absorbé.e.s par les cliquetis métalliques des mousquetons et les positions désarticulées de Stéphanie Chêne, on se laisse volontiers transporter dans cet autoportrait aérien d’une sensibilité et authenticité rares.

Informations pratiques

Auteur(s)
Stéphanie Chêne

Mise en scène
Pierre Guillois

Avec
Stéphanie Chêne

Dates
Du 18 au 19 septembre 2017

Durée
1h10

Adresse
Théâtre Paris-Villette
211 avenue Jean-Jaurès
75019 Paris

http://www.theatre-paris-villette.fr