"LA PITIÉ DANGEREUSE" "La Pitié" de Stefan Zweig brûlent sous les voix de Simon McBurney

La rencontre du comédien et metteur en scène Simon McBurney avec la troupe de la Schaubühne a fait du roman de Stefan Zweig une œuvre scénique littéralement époustouflante. La Pitié dangereuse est une adaptation haletante, un oratorio au souffle effréné, atteignant avec justesse la nervosité de ce roman psychologique.

Stéphane Zweig n’achèvera qu’un seul roman, l’histoire particulière du jeune officier Hoffmiller épris de pitié convulsive pour les Femmes et Hommes qui l’entourent, à l’aube de l’Histoire et du commencement de la Grande Guerre. Récit de mémoire, le personnage de Stefan Zweig rapporte les souvenirs encore chauds du jeune officier, l’erreur fatale qui le mènera au cœur des affres de la pitié. Invité au château du baron Kekesfalva et grisé par les victuailles, Hoffmiller invite la fille du Baron à danser sans savoir que la jeune femme est paralysée. Ce faux-pas, presque anodin, enclenchera une suite labyrinthique et vertigineuse d’actes empreints de pitié intéressée ou véritable, transformant la relation forcée de ses deux amants en un combat de pure joie, de désespoir et de vengeance. La profondeur enivrante du roman de Stéphane Zweig se déploie avec force dans la mise en scène chorale de Simon McBurney.

Optant pour la parole rapportée à plusieurs voix, cette adaptation est au plus proche de l’écriture de Stefan Zweig et des personnages tout en développant une énergie aussi nerveuse que l’intrigue qui s’emmêle et se complexifie. Les voix s’accompagnent, se superposent et se combattent dans l’avancement de cette histoire qui se compose grâce à ces tableaux sonores. Le plateau plane entre ces meubles en bois au parfum rétro et l’émergence toujours surprenante de la vidéo et des outils de mise en scène contemporaine. La Pitié dangereuse se love dans une zone d’incertitude esthétique, un espace dont le comédien est maître et porteur d’une poésie forte et percutante.

Simon McBurney et toute la troupe de la Schaubühne nous rapporte une histoire à laquelle il est impossible de ne pas succomber. De cette frontière poreuse entre la pitié sincère pour autrui et cette pitié autocentrée et intéressée, Simon McBurney réussit à construire un final subtil et non moins grandiose, ramenant cette histoire particulière à l’Histoire que nous partageons et construisons encore : un diaporama accéléré de photographies de la monté du nazisme pour finir sur le naufrage des migrants. La Pitié dangereuse est une pièce universelle, une merveilleuse entrée dans cette 46ème édition du Festival d’Automne.

Informations pratiques

Festival d’Automne
Théâtre de la Ville Hors les murs

Auteur(s)
Stefan Zweig