Article de Justine Uro
Un spectacle d’anticipation inquiétant
À une époque bien postérieure à la nôtre, les hommes vivent sur une autre planète, ayant été contraints de quitter la Terre sans que l’on se souvienne pourquoi. Des historiens entreprennent des fouilles sur la planète Terre et découvrent un centre de stockage d’Areva. La communauté scientifique comprend rapidement qu’une énergie très puissante y est enfouie. Tiraillés entre la curiosité et une inquiétude rationnelle, les scientifiques hésitent à creuser pour découvrir cette énergie. Ils commencent par des fouilles à proximité du centre de stockage et découvrent des écrits qu’ils pensent être des pièces de théâtre ou de poésie. Une machine transforme le texte en hologrammes, qu’interprètent les comédiens sous nos yeux.
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Sur un écran en fond de scène, deux femmes s’adressent au public pour une conférence sur les avancées des fouilles. Elles présentent et commentent les morceaux de texte qui sont joués. Ces textes sont en réalité des compte-rendus de réunion et documents techniques sur le centre de stockage. Le décalage entre ce que l’on reconnaît des écrits et la façon dont c’est interprété et compris crée une situation particulièrement drôle. A partir de l’analyse de ces documents, les scientifiques concluent qu’Areva est une déesse. Le texte est donc interprété par la machine à hologrammes comme les pièces des mythes antiques. Les costumes rappelant les toges antiques, et le ton solennel des personnages sur un texte aussi prosaïque prêtent aisément au rire. De la même façon, le sérieux des conférencières sur la vidéo en fond de scène mêlé à leur confusion entre ce qu’elles comprennent des documents analysés et ce que nous en savons, nous contemporains d’Areva, est un effet comique tout à fait réussi.
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Néanmoins, la deuxième partie de la pièce est beaucoup moins accessible que la première ; l’origine des textes, moins prosaïques, étant moins évidente. Par ailleurs, la scénographie, faite de déchets dispersés sur le plateau est très visuelle mais peu esthétique. La simple suggestion des déchets aurait sans doute mieux fonctionné. La force de cette proposition tient avant tout dans le propos et la corrélation de l’humour et de l’angoisse d’une situation tout à fait probable. La réflexion centrale de cette pièce engagée est celle de la transmission illusoire aux générations futures des dangers de la radioactivité. Là encore, le spectacle met en lumière un décalage, cette fois entre la durée de radioactivité des déchets nucléaires et celle des transmissions effectives de génération en génération sur les dangers de cette radioactivité.
Le Grand trou
Mise en scène Benjamin Abitan
Compagnie Théâtre de la Démesure
De et par Benjamin Abitan, Raffaëlle Bloch, Antoine Dusollier Thomas Horeau, Barthélémy Meridjen, Aurélie Miermont, Ondine Trager
Avec également Bernard Bloch
Participation à l’écriture du spectacle Hadrien Bouvier
Interprètes vidéo Yordan Goldwaser, Aurélia Grignon et Nathalie Lacroix
Lumière Ondine Trager
Du 6 au 11 décembre 2016
Théâtre L’Echangeur
59 avenue du Général de Gaulle
93170 Bagnolet