« LES GRANDS »  Chronophotographies du passage à l’âge adulte 

Dans la veine du film Boyhood de Richard Lindkatker, Fanny de Chaillé fait grandir trois personnes en une heure de temps dans sa pièce Les Grands présentée au Centre Pompidou à l’occasion du Festival d’Automne. Sur un texte de Pierre Alferi, la metteuse en scène transpose le thème des trois âges de la vie courant en iconographie – on pense par exemple au Titien ou à Klimt – sur un plateau, et aborde à l’aide de trois trinômes, ces temps forts de l’existence que sont l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte. Chacun des personnages – Guillaume, Margot et Grégoire – est décliné par trois comédien.ne.s de trois âges différents portant le même costume. Un spectacle qui interroge la construction de soi, le passage parfois dépourvu de transition entre ces étapes phares de la vie et tente de répondre à la question suivante : qu’est-ce, au fond, que grandir ?

Dans un espace imaginé par Nauda Lauro – une sorte d’iceberg immergé à étages – Fanny de Chaillé semble épuiser les situations : les différents âges se rencontrent, se heurtent, se tiennent tête, se moquent, s’expliquent. On note une véritable implication et un jeu irréprochable des comédiens adultes mais ces derniers ne délèguent presque jamais la parole à leurs doubles plus jeunes. La rébellion des ados, qui est en effet le point d’orgue de la pièce, n’émerge que trop tardivement.

Les Grands 3

©Marc Domage

« Les enfants amenant avec eux automatiquement la poésie, je crois qu’il faut éviter d’introduire des éléments poétiques dans un film d’enfants, en sorte que la poésie naisse d’elle-même », affirmait le cinéaste de la Nouvelle Vague française François Truffaut. On ne pourra en effet pas reprocher une surcharge poétique au texte de la pièce qui ploie sous l’énumération de lieux communs sur l’enfance et l’âge adulte, sous le lot d’anecdotes insipides sur les premières idylles ou sur l’émergence d’une conscience politique. S’il y a une poésie, elle émane bel et bien des enfants et des corps en mouvement.

A mi-chemin entre la danse et le théâtre, les comédiens investissent l’espace, font corps avec le décor, rampent, courent, font des bonds (dans le temps). Telle une chorégraphie, les adolescents interprètent physiquement les voix-off des comédiens adultes qui commentent la scène derrière des micros. La pièce donne à voir de beaux visuels, les comédiens d’un même personnage calquent leurs gestes les uns sur les autres et opèrent des « arrêts sur image » à la façon de ces chronophotographies d’Etienne-Jules Marey qui décomposent le mouvement. La chanson de Dominique A. écrite et composée pour le spectacle vient couronner la pièce avec une pointe de nostalgie. Une mise en scène dans l’ensemble soignée, à la réserve du personnage qui fait parfois semblant de pianoter sur un synthé à l’écart et de façon assez injustifiée.

Si la pièce a la singularité de montrer les enfants peu visibles sur les scènes de théâtre, ces derniers y exercent une bien moindre part que leurs alter ego plus âgés. Malgré la beauté du sujet, son traitement manque de profondeur, on reste sur notre faim.

Informations pratiques

Auteur(s)
Pierre Alferi

Conception et Mise en scène
Fanny de Chaillé

Avec
Margot Alexandre, Guillaume Bailliart, Grégoire Monsaingeon

Dates
Du 20 au 23 septembre 2017

Durée
1h20

Adresse
Centre Pompidou
Place Georges Pompidou
75004 Paris

https://www.centrepompidou.fr