« HOME MOVIE » de Suzanne Joubert, Ça tremble, dans la maison et dans les cœurs. Une société en proie à la peur cherche des certitudes

HOME MOVIE de Suzanne Joubert aux éditions des Solitaires Intempestifs. Texte créé le 8 décembre 2021 à l’Espace culturel Boris Vian – Les Ulis. Mise en scène de Jérôme Wacquiez.

… Comme si chacun n’était personne… ce sont les derniers mots de la didascalie initiale. Et, en effet, dans cette pièce, les personnages ne sont pas identifiés, pas caractérisés, interchangeables. Leur nombre, variable, n’a strictement aucune importance. Pas plus que le lieu improbable où se déroule ce qu’on ne peut pas qualifier d’action.
Car, en fait, il ne se passe rien. Rien de logique, pas grand-chose de vraisemblable. La maison bouge, le plancher ne tient plus, le plancher est en l’air… en revanche, ça parle. Mais ça ne dit pas grand-chose, les mots semblent danser dans l’espace, ricocher, se faire écho, s’amplifier soudain pour se dégonfler aussitôt. Comme ces conversations de comptoir qui égrènent les banalités et rabâchent les certitudes vaines.
Ces gens ne semblent avoir en commun que leur bon droit affirmé et réaffirmé, ce qui ne sert qu’à tenir leur peur en respect.

Si la maison tangue, le sens hésite, lui aussi. Pour éviter le naturalisme, l’autrice explose tout ce qui pourrait permettre au spectateur de s’accrocher pour ne pas sombrer. Ces gens sont chez eux, ils l’affirment à l’envi, mais leur valise est prête. Avec le nécessaire. S’apprêtent-ils à partir ? pas vraiment ; ils hésitent, tout en restant péremptoires. Dans leur délire, ils oublieraient presque leurs enfants – qui sont pourtant si importants ! et dont on finit par douter de l’existence à la fin. Eh bien, les enfants, ça fait longtemps que… on n’en saura pas plus ; de même qu’on ne saura pas si les soldats aperçus sont réels ou s’ils sont des projections de la peur qui transit les habitants de cette maison, puisqu’on n’a pas de guerre, non plus…

Tout cela est allusif et se veut sans doute une évocation du fascisme ordinaire – peur des Autres, crainte des Voisins, condamnation des Enfants des Voisins qui ont l’audace de jouer dehors… Finalement, ils font appel à « quelqu’un » qui aura le courage de dire ce qu’ils n’osent pas dire : « Partez ! vous n’êtes pas les bienvenus ». Cette injonction jetée aux AUTRES, là, à côté, si proches et si lointains à la fois, rappelle évidemment certains discours ignobles que tiennent des politiques inhumains drapés dans leur apparent bon sens et qu’on est si enclins à écouter. Après quoi, la maison s’écroulera pour de bon, à moins qu’il ne s’agisse encore une fois d’un délire collectif.

On voit bien ce que l’autrice a voulu faire ; mais pourquoi cette démarche alambiquée ? on se sent tout de même un peu perdu face à cette accumulation de « C’est ça… c’est tout à fait ça… Voilààààà, à ben tiens… on SE comprend… Oui, on SE comprend… » Il faut à ce texte un metteur en scène particulièrement imaginatif pour captiver le spectateur pendant une heure.

Informations pratiques

Auteur(s)
Suzanne Joubert

Prix
14 euros

Éditions Les Solitaires Intempestifs
www.solitairesintempestifs.com