« Honneur à notre élue », de Marie Ndiaye, mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia, Théâtre du Rond-Point.

Un article de Pierre-Alexandre Culo

 

Une politique terne pour L’Élue de Marie Ndiaye et Frédéric Bélier-Garcia 

 

Corruptions politiques, élections pourries par des magouilles « franchement dégueulasses », manipulations, tromperies, changements de bord politique, la dernière pièce de Marie Ndiaye est au plus près de notre actualité politique. De cette résonance forte, rien ne transparaît. Comme nos élus, la mise en scène papillonne et peine à se positionner. Elle se conforte avec complaisance dans le confort et les moyens de sa place, sur le beau plateau de la salle Renaud-Barrault.

© Giovanni Cittadini Cesi

Dans une petite ville portuaire, l’élue est assise et respectée depuis près de vingt années. Elle règne et agit sur le territoire avec justice, intégrité, humanité. « Notre Élue » est une icône, un modèle de fantasme politique-religieux-érotique. Dans son tailleur blanc immaculé, Isabelle Carré irradie de pureté. Après des années et campagnes perdues, l’Opposant attaque une nouvelle fois en usant de moyens douteux, politiquement incorrects. Mais pour la victoire et le pouvoir, l’intégrité et les limites sont-elles encore de rigueur ? Cette Élue se fera prendre au piège sans bouger le petit doigt, sans tâcher son impeccable tailleur des corruptions de son monde politique.

La langue de ce conte tragi-comique est reconnaissable. Marie Ndiaye, prix Goncourt en 2009, confirme une écriture vive, essentielle, glaçante d’humour et aussi concise et froide qu’un procédé chirurgical. Après des pièces aussi marquantes qu’Hilda ou Les Serpents, cette dernière création déçoit par une écriture moins radicale dans sa forme, se fragilisant par des emprunts écrasants à des formes théâtrales diverses et hétérogènes. Honneur à notre Élue effraie par ses échos directs avec l’actualité politique mais ne convainc pas à trouver une identité dramatique stable.

© Pascal Victor

La mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia s’ouvre sur une sur-utilisation intelligente et vertigineuse d’écrans, projections à la limite de la perception holographique. Les politiques se perdent, jugent et jaugent, charment dans ce labyrinthe d’image qui fascine autant qu’il rebute. La scénographie situe avec force la pièce dans un combat de représentation sur le ring des médias. Ce procédé est abandonné rapidement pour une mise en scène réaliste à l’apparence d’un vaudeville tragico-politique, sans surprise et lassant. Quel dommage, compte tenu de ses échos brûlants, que Honneur à notre élue se cantonne à l’anecdote théâtrale.


Honneur à notre élue

Texte de Marie Ndiaye

Mise en scène Frédéric Bélier-Garcia

Avec Isabelle Carré, Patrick Chesnais, Jean-Charles Clichet, Romain Cottard, Jan Hammenecker, Jean-Paul Muel, Chantal Neuwirth, Agnès Pontier, Christelle  Tual, Claire Cochez

Scénographie Chantal Thomas

Lumière Roberto Venturi

Son et création musicale Sébastien Trouvé

Vidéo Pierre Nouvel

Durée : 1h40

Du 1er mars au 26 mars 2017

Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin D.Roosevelt 
75008 Paris

www.theatredurondpoint.fr