« Intérieur » de Maurice Maeterlinck mise en scène Nâzim Boudjenah au Studio de la Comédie Française.

Article de Richard Magaldi-Trichet

 

Par le petit bout de la fenêtre…

 

Un vieillard, accompagné de l’étranger qui a repêché le corps d’une jeune fille dans un étang, vient annoncer la mort de celle-ci à la famille. Tous deux s’arrêtent dans le jardin devant la porte de la maison, et restent devant la fenêtre éclairée, n’osant annoncer la terrible nouvelle. Ils observent le père, la mère et leurs deux autres filles qui veillent sereinement…

© Nâzim Boudjenah

Dans une scénographie remarquable de Mac Lainé, s’inspirant des lignes épurées du nô japonais, les quatre acteurs sont plus ombres que personnages réels. En arrêt devant cette fenêtre comme seuls liens avec les vivants, on se demande s’ils ne viennent pas de franchir le Styx pour porter la parole de la mort. Ils restent dans cet entre-deux suggéré par un éclairage tout en demi-teinte, entre jour et crépuscule, entre nuit sombre et étoilée. « Le monde ne finit pas aux portes des maisons » déclarait Maeterlinck. En réaction aux excès naturalistes du théâtre de la fin du XIXe siècle,  le dramaturge voulait explorer l’écriture d’un « théâtre statique ». Pour « écarter entièrement l’être vivant de la scène », il pensait donc à « un théâtre de marionnettes ».

Sous la direction de Nâzim Boudjenah, les comédiens conservent donc ici cette froideur apparente du pantin. Mais à force de mise en abyme, de mise en retrait et de mise en silence, le propos est lui aussi victime de cette distanciation. Il faut toute l’expertise des quatre comédiens du Français, Thierry Hancisse, Anne Kessler, Pierre Hancisse et Anna Cervinka, pour faire passer ce texte difficile qui mérite néanmoins d’être découvert. Le huis-clos de la scène du Studio est parfait pour la communion poétique avec le spectateur, qui se régale notamment des effets de l’animation vidéo de Richard Le Bihan sur un décor tendant lui aussi vers l’irréel. Nos yeux rivés sur la fenêtre et ce qui se passe derrière, nous attendons…La tension dramatique nous porte de bout en bout. Comme à travers une fenêtre ouverte sur l’âme des personnages qu’elle nous révèle, nous observons ces petits riens quotidiens, témoins muets et impuissants de la tragédie qui s’annonce.


 

Intérieur
 

 de Maurice Maeterlinck

mise en scène Nâzim Boudjenah

Avec : Thierry Hancisse, Anne Kessler, Pierre Hancisse, Anna Cervinka

Scénographie :  Marc Lainé

Lumières : Thomas Vayssières

Animation vidéo : Richard Le Bihan

Création graphique : Stephan Zimmerli

Musiques originales : Bruno Le Bris
 


Du 26 janvier au 5 mars 21017

Comédie Française
Studio-Théâtre
Carrousel du Louvre
99 rue de Rivoli
75001 Paris
 

www.comedie-francaise.fr