Article de Bruno Deslot
Mon cul sur la commode ou plutôt sur le canapé !
Un pan de mur, une cloison d’appartement flanquée de deux portes. Une permettant de pénétrer sur le lieu de l’action, l’autre le dressing de Mylène dans lequel, toutes ses robes reproduites à l’identique, sont suspendues avec soin. Une sonnette, un canapé, une télé écran plat, une télécommande et deux comédiens interprétant des personnages multiples avec casquette, lunettes, perruque, moustache…en somme, toute une galerie de portraits haut en couleur défilant avec folie et rapidité sur l’aire de jeu et communiquant par l’entremise de poupées Barbie ! Le ton est donné !
© Myra 2016
Bien plus qu’un vaudeville, une farce moderne, faisant voler en éclats tous les codes d’une société matérialiste et muselée par un consumérisme (au sens sociologique du terme) voulu, Jacques et Mylène est une critique absurde et grinçante de la société moderne. Assis sur le canapé, droit comme un I, le jeune couple interprète une scène de départ où le romantisme niais de leurs échanges est brisé par l’esprit pragmatique de Jacques, comptant au centime près toutes les futures dépenses prévues pour que le couple puisse enfin s’installer dans une maison. Si Mylène est plutôt Dunlopillo c’est tant mieux car Jacques a 25% de remise sur cette marque de matelas !
© Myra 2016
Sous ses airs de grande sotte, version ex-Mme Seb, Mylène incarne la condition féminine dans sa dimension la plus détestable et réductrice. Inoffensive, stupide, soumise à l’amour du mâle dominant, voix douce et presque indicible, objet pratique de la vie quotidienne, Mylène en prend pour son grade ! Tous les personnages investissent des rôles semblant venir directement d’une série B, avec son lot de niaiseries et de grosses ficelles. Sexe, argent et domination pour les hommes, obéissance et soumission pour les femmes, les répliques façon Les feux de l’amour ou les longues tirades cornéliennes revisitées donnent à l’ensemble de la proposition une dimension explosive. Ingrid Strelkoff (Mylène) et Philippe Nicolle (Jacques) ont décidé d’interpréter les 7 personnages de la pièce de Gabor Rassov, seuls et en observant un rythme frôlant la frénésie. Enchaînant les personnages, les deux comédiens s’en donnent à cœur joie pour offrir aux spectateurs un vrai moment de théâtre, une véritable parodie de la parodie. Ingrid Strelkoff en « gourdasse » aux allures de poupée gonflable et Philippe Nicolle en Jacques coincé et totalement obsessionnel, débordent de talent et réussissent à faire exister 7 personnages dans une ambiance étonnante.
Un verre à la main, face à la scène, ce moment d’exception est à voir absolument.
Jacques et Mylène
De Gabor Rassov
Création et interprétation Ingrid Strelkoff et Philippe Nicolle
Mise en scène Benoît Lambert
Scénographie et direction artistique Michel Mugnier, Alexandre Diaz
Costumes Violaine L.Chartier
Son Anthony Dascola
Production 26 000 couverts
Du 5 au 9 juillet 2016
Maison des Métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud
75011 Paris