« JAZ » de Koffi Kwahulé, Expulser l’oppression de la violence du viol, brisure de l’âme

Nouvelle édition de mars 2023, revue et corrigée de la précédente édition de 1998 aux Éditions Théâtrales.

Koffi Kwahulé est dramaturge et écrivain, il est l’auteur de plus d’une trentaine de pièces de théâtre dont L’Odeur des arbres, pour laquelle il a obtenu le grand prix de Littérature dramatique en 2017.
Ses textes sont régulièrement mis en scène et Jaz a été mis en scène en 2011 par Kristian Frédric et Les Deux Mondes au Canada, et en 2017 par Alexandre Zeff à Avignon puis au Théâtre de l’Opprimé, et au Théâtre de la Cité Internationale notamment.

Un texte poétique en prose, rythmé, usant d’allégories, métonymies et métaphores. Mais aussi un texte brut qui aborde un sujet souvent réduit au silence dans l’intériorité de ce que vit la victime, la crudité du vécu : le viol banal, ordinaire d’une jeune femme dans une cité, un phénomène commun écrit de celle qui le vit, subit et est brisée mais tente de survivre.

Une jeune femme, crâne rasé. Un révolver, des balles. Le jazz pour compagnie. Propos désorganisés. Cette jeune femme vient parler de Jaz, c’est de Jaz dont elle vient parler ici, c’est ainsi que cette jeune femme a toujours été nommée. Elle voit très souvent Jaz. Jaz vit dans une chambre de bonne au sixième avec vécés sur le palier, toujours bouchés dans une cité insalubre. Elle n’envisage pas de déménager, elle est propriétaire. À plusieurs reprises, elle a débouché les vécés. Des fragments émergent et s’entrechoquent : honte, culpabilité, sanisette, place Bleue-de-Chine. Son corps s’est adapté à la situation et chaque dimanche, corps domestiqué, elle se rend à la sanisette, toilettes publiques payantes, avant de se promener dans la cité endormie. Jaz, une jeune femme, belle comme un lotus, illumine l’immeuble. Il avait dû repérer ses rituels. Il l’avait repéré, il voulait sa beauté. Étape par étape, il parviendra à ses fins, la posséder. Étape par étape, elle sortira du statut de victime. Un besoin viscéral de ne plus subir et d’expulser cette violence.

Jaz parle de Jaz, elle parle en fin de compte d’elle-même, dépossédée d’elle-même après le viol. Comme si le viol était arrivé à une autre personne. Elle s’observe comme une étrangère à elle-même, une autre. Un monologue sous forme de dialogue très bien agencé à tel point qu’on a l’impression que c’est bien quelqu’un qui raconte l’histoire de Jaz. L’effet de la sidération, conséquence de la violence du traumatisme est révélée par ce procédé d’écriture du monologue dialogue. Comme si ça ne nous était pas arrivé ce viol mais que cela concernait quelqu’un d’autre. La violence des faits est écrite et crue, pour s’immerger dans ce que vit une femme dans cette épreuve.
Jaz ne peut se résoudre à être simple objet des hommes, causée par sa beauté à posséder. Nous sommes par l’écriture et la forme immergée dans cette violence ordinaire que les femmes subissent, pour la dire et la dépasser.

Informations pratiques

Auteur(s)
Koffi Kwahulé

Prix
9 euros

Éditions Théâtrales
www.editionstheatrales.fr