"JE TE RÉPONDS", Une chaîne d’écoute

Je te réponds, mise en scène Pascal Rambert ©

Cristy, Christine, Karim, Benjamin, Tyson, Ignace, détenus pour de longues peines, ont répondu au projet Je te réponds mené par Pascal Rambert et son fils réalisateur Lou Rambert Preiss, en collaboration avec Pauline Roussille.

Comme ses amis Joël Pommerat, Caroline Guiela N’Guyen ou Olivier Py dans les maisons d’arrêt d’Arles ou d’Avignon, Pascal Rambert a réalisé au centre pénitentiaire sud-francilien de Réau, le désir profond de transformer l’enfer en paradis de la parole qui élabore l’impensé que soulignent certains détenus « Je n’ai pas réfléchi».

Comme Pierre Bourdieu dans « Ce que parler veut dire », les détenus viennent, à la parole qu’ils n’ont pas apprise dans leur famille, leur milieu grâce à Pascal Rambert qui leur offre le continent pour dire les choses sur le territoire particulier de la prison, avec un parloir aux longues files d’attente pourtant. Le fait de parler, dire aux êtres chers ce que l’on a toujours désiré leur dire peut se révéler inaccessible pour eux. Le fait d’écrire est encore plus compliqué et nécessite un accompagnement.

De septembre 2021 à janvier 2023, dans le parloir du centre pénitentiaire, l’auteur et metteur en scène Pascal Rambert et son fils Lou Rambert Preiss sont allés écouter ces femmes et ces hommes hors d’écoute et des regards. Ces rencontres et échanges ont donné naissance à l’élaboration de textes, une parole écrite pour être entendue. Première amorce de lien et de resocialisation, le projet Je te réponds s’inscrit dans la dynamique de la circulaire du 3 mai 2012 relative à la mise en œuvre des projets culturels destinés aux personnes placées sous main de justice et aux mineurs sous protection judiciaire. « La programmation culturelle est intégrée au projet d’établissement ou de service. À ce titre, il est souhaitable de développer des synergies entre les actions culturelles et les actions de formation scolaire et professionnelle, les actions d’éducation à la santé, à la préservation de l’environnement et celles liées au maintien du lien familial ».

Le spectateur qui a fait la démarche de venir à cette représentation le 17 février 2023 à 19h est face à la part d’humanité des détenus dont Pascal Rambert n’a pas écrit leur vie et surtout pas l’acte qui les a menés en prison mais leur perception de ce dans quoi l’acte les avait précipités. Les métaphores utilisées et reliées par la dernière participante qui a aussi fait office de traductrice pour l’un des détenus, sont le puits, le tunnel, le sarcophage. Le temps infini sans prise, la blessure des corps dont l’une des détenues dit plaquer le sien contre le mur la nuit pour se donner la sensation d’être contre quelqu’un. La pensée partagée pour beaucoup d’entre eux de leurs enfants qu’ils ne voient pas grandir et qu’ils n’aiment qu’en pensée est très émouvante. Les permissions suscitent parfois la souffrance de revenir sur les lieux familiers que l’on a désertés depuis fort longtemps et où on ne peut pas dormir sans cachet.

Si beaucoup se sont levés en applaudissant à la fin de la représentation, certains se sont abstenus très certainement tiraillés entre cet acte de bravoure, de grande sincérité ainsi que de lucidité à travers un texte appris par cœur pour la plupart, très bien dit pour tous et l’acte qui a causé leur détention. Mais ce soir-là, n’était-on pas à l’écoute de leur part d’humanité élaborée dans la parole écrite, objet du projet ?

Informations pratiques

JE TE RÉPONDS

Texte et Mise en scène
Pascal Rambert

Avec
Les participants du Centre pénitentiaire sud-francilien de Réau :
Cristy, Christine, Karim, Benjamin, Tyson, Ignace

Réalisateur Lou Rambert Preiss
Productrice Pauline Roussille