« JE VENAIS VOIR LA MER », Une ode mélancolique à l’amour impossible

Nicolas Girard-Michelotti fait paraître Je venais voir la mer aux Solitaires Intempestifs. Texte créé en novembre 2022 aux Plateaux Sauvages (Paris) dans une mise en scène de Nicolas Petisoff.

C’est un long monologue, une sorte de poème, un flux de conscience qui a besoin de se déverser inlassablement. De ces mots qu’on se dit pour imaginer les possibles ou pour se remémorer les douleurs de la vie. De ces phrases qu’on aimerait pouvoir dire et qu’on ne dit qu’à soi-même, dans une sorte de bavardage silencieux et obsédant.

Un homme seul semble chercher de l’aide : il est trempé et voudrait pouvoir se sécher. C’est un homme maladroit : pardon, je ne voulais pas vous faire peur. Il se sent coupable de déranger, de demander de l’aide : je peux aussi bien m’en aller tout de suite… les mots ont du mal à se frayer un chemin, à faire sens ; ils se bousculent, hésitent, reviennent comme il revient lui-même.

Petit à petit, on comprend qu’il n’est pas là par hasard, qu’il a vécu dans cette maison, avec une femme qu’il aimait et son enfant à elle qu’il aimait aussi. Alors, pourquoi ce sentiment de culpabilité ? il leur a fait du mal, c’est sûr, mais on ne saura pas si vite quel est ce mal. Il faudra suivre ce malheureux dans le labyrinthe personnel de ses souvenirs et de ses douleurs pour finir par comprendre. On partage son profond désespoir, même si la fin laisse pointer un faible, très faible espoir.

Texte complexe et touchant, Je Venais Voir La Mer refuse d’emblée la facilité, les clins d’œil au public, les explications. Le spectateur inattentif risque de se perdre, de reprocher à l’auteur sa confusion mentale, mais le spectateur disponible sera actif et tel un inspecteur ou un psy, peut-être, il construira patiemment le récit que le personnage ne lui fait pas. Derrière la profonde détresse qu’exprime cet homme noyé de pluie et de remords, se trouve une profonde blessure d’enfance, de celles que rien n’efface et qui vous invalide pour la vie.

Handicapé de l’amour, l’homme trempé n’a plus que ses mots pour tenter de vivre encore, peut-être. L’auteur, lui, les manie très bien, les mots ; en poète plus encore qu’en dramaturge :
C’est étrange
Comme les pères trahissent leurs enfants
Et comme les enfants toute leur vie
Restent sans réponse.


C’est ce que Wajdi Mouawad appelle le sang des promesses.

Informations pratiques

Auteur(s)
Nicolas Girard-Michelotti

Prix
14 euros

Éditions Les Solitaires Intempestifs
www.solitairesintempestifs.com