Juste une mise au point, mise en scène Aurélie Hubeau et Pierre Tual © Virginie Meigné
À l’instar de son dernier spectacle, Lucie Hanoy conçoit la création de celui-ci par l’imposture. Une imposture assumée, grandiose, qu’elle érige avec Aurélie Hubeau et Pierre Tual en principe dramaturgique : celui de parler pour les autres. C’est que l’arrivée sur les scènes nationales de thématiques sociales encore peu visibilisées, comme la transphobie ou la maladie mentale, est un défi à ne pas sous-estimer. Si on peut s’extasier de cette nouvelle « mode » – ce que la protagoniste lance ironiquement à son frère malade – il est aussi vrai qu’au-delà de ces thématiques, ces luttes ont développé leur propre appareil intellectuel et artistique ; pourtant, bon nombre d’artistes cherchant à se saisir de ces questions n’en font qu’une recherche intellectuelle, et arrivent à des résultats plus ou moins convaincants. Juste une mise au point frappe par sa vulnérabilité, son humour et la justesse de son endroit d’énonciation. Loin de rester à la surface du discours, la Big Up Compagnie a créé ce spectacle dans la joie et l’impulsivité d’un théâtre brut et queer qui s’impose avec la force de l’évidence.
Le seul-en-scène annoncé se dévoile vite comme une arnaque, et l’artiste engagé doit descendre de son piédestal. L’échec comme point de départ. En surgira un chaos de scènes, violentes ou parodiques, dont l’entremêlement agit comme un rituel de soin. Face au vide, la marionnettiste noue un nouveau contrat avec le public, décrivant ce que le spectacle aurait pu être, et présente un guide sous la forme d’un tableau sur chevalet. Peu confiante dans la capacité du 4e mur à faire parvenir un message, la pièce se débarrasse vite de son point de vue et de ses chiffres pour nous emmener plus loin. Portraits, pastiches et dialogues se succèdent sous des modalités surprenantes ; la diversité des marionnettes (masque, muppets, kokoshka) et de leurs échelles creuse l’idée d’un théâtre queer où l’extravagance surréaliste des constructions rejoindrait celle des corps et des consciences.
Parallèlement à cette toile de fond, Ava Hervier, Thomas Demey et Lucie Hanoy partent de leurs formations, et surtout de leurs envies conflictuelles, pour s’inscrire eux-mêmes dans une trame supplémentaire : Juste une mise au point n’est pas un spectacle sur la maladie mentale, mais sur des artistes qui se demandent comment écrire sur la maladie mentale, et qui le font par fragments.
Cette recherche constante et honnête les mène de délires en regrets, jusqu’à une scène d’une puissance incroyable : par le geste, Lucie Hanoy dresse une analogie entre le marionnettiste, chargé de révéler la beauté de ce « presque humain » dramatique, et l’infirmier, plaçant le soin et le service au centre de sa pratique. Juste une mise au point ne se contente pas de décrire le mal, elle donne des pistes pour s’en défaire. C’est peut-être le seul didactisme possible.
Juste une mise au point, mise en scène Aurélie Hubeau et Pierre Tual © Virginie Meigné
Informations pratiques
JUSTE UNE MISE AU POINT – Big Up Compagnie
Conception et écriture
Lucie Hanoy
Mise en scène
Aurélie Hubeau et Pierre Tual
Avec
Lucie Hanoy, Ava Hervier, Thomas Demay
Dramaturgie Olivier Bourguignon
Chant et musique Ava Hervier
Création sonore Thomas Demay
Construction marionnettes Anaïs Chapuis
Création lumières Guillaume Hunout
Régie générale Alice Carpentier
Costume et scénographie Marie La Rocca
Conseil et travail de recherche Pierre Hanoy, Margot Taine et
Julien Lelièvre
Dates
Du 25 janvier au 4 février 2023 au Théâtre du Mouffetard, Paris
Durée
1h
Adresse
Théâtre Le Mouffetard
73, rue Mouffetard
75005 Paris
Informations complémentaires
Théâtre Le Mouffetard
lemouffetard.com
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