« KOLIK » Plongée dans la conscience d’un autre

L’entrée est loin d’être évidente. Elle peut même paraître impossible de prime abord. La pensée continue d’un homme aux prises avec ses réflexions ou ses constatations sur ce qui l’entoure n’est habituellement pas faite pour être partagée. Kolik commence comme une conférence-performance, démonstrative et extérieure, dont le contenu est dirigé vers l’audience. Pourtant, au fil des mots lancés magistralement par Thierry Raynaud, le spectateur est peu à peu happé à l’intérieur du déroulement cérébral qui s’installe face à lui. En effet, la barrière apparente due au langage de Rainald Goetz s’estompe, s’effrite, disparaît, pour laisser place à une nouvelle expérience, découvrir la pensée de l’autre de façon aussi claire et complexe que la sienne propre. Et alors le voyage commence.

Une multitude de sujets sont abordés, mais non dans un discours philosophique, éthique ou réflexif, mais dans un marasme émotionnel puissant. La condition humaine, le doute, la mort, la relation aux autres, tout s’entremêle, car tout est finalement lié. Le discours saccadé du personnage permet d’associer émotionnellement des réflexions philosophiques classiques, telles que les première et sixième Méditations Métaphysiques de Descartes, ou même le rôle du libre-arbitre dans L’Éthique de Spinoza, sans jamais les nommer pour autant. Le dispositif scénique d’Hubert Colas entraîne à s’oublier soi-même et à s’associer mot par mot, syllabe par syllabe, cri par cri à ce cheminement de pensées obscurcies.

© Hervé Bellamy

Bien qu’il se présente dans une forme particulière, ce spectacle-performance offre une véritable possibilité de découverte d’une nouvelle idée de communication. Celle-ci est d’ailleurs extrêmement bien servie par l’impressionnante performance du comédien. Kolik pourrait incarner une nouvelle version d’Oh les beaux jours, de Samuel Beckett, encore plus dénudée, plus rapprochée de son protagoniste. C’est une aventure dans la pensée, une perte dans les méandres de la conscience. Et c’est cette conscience de sa propre incompréhension, de son propre dégoût, de son propre rejet de certains aspects de son monde ou de soi-même, qui constituera le point de départ de cette épopée sombre. Une solitude créatrice dans le cadre de l’enfoncement en soi-même. Kolik propose une parole libérée de tout code, qui mène à un dépassement de sa condition propre.

Informations pratiques

Auteur(s)
Rainald Goetz

Mise en scène
Hubert Colas

Avec
Thierry Raynaud

Dates
Du 24 au 26 janvier 2019

Durée
1H30

Adresse
Centre Pompidou
Place Georges-Pompidou
75004 Paris

Informations et dates de tournée

https://www.centrepompidou.fr/fr