« LA BIAM – Biennale Internationale des Arts de la Marionnette » Les nouvelles figures de la marionnette

Renaud Herbin dans At the still point of the turning world © Benoit Schupp

10 ans de création, de diversité, de questionnements et toujours la même envie de nous emmener loin, très loin, aux confins de l’imaginaire, merci la marionnette, merci la BIAM ! Pour cette édition anniversaire qui s’est tenue du 3 au 29 mai, à l’initiative du Mouffetard, Théâtre des Arts de la Marionnette, la Biennale Internationale des Arts de la Marionnette a convié le « gratin » de la profession comme les jeunes pousses pour permettre aux spectateurs d’appréhender cette discipline dans toute son ampleur. Que signifie aujourd’hui marionnette ? Loin de fournir une réponse exhaustive à cette épineuse question, nous tâcherons ici au travers de quelques spectacles emblématiques de cette biennale de découvrir quelles sont les nouvelles figures de la marionnette.

At the still point of the turning world – Création de Renaud Herbin

Formé à l’ESNAM (Ecole Nationale Supérieure des Arts de la Marionnettes) et directeur du TJP-CDN d’Alsace-Strasbourg, Renaud Herbin est une figure incontournable de la marionnette contemporaine. Depuis sa nomination à la tête de ce Centre Dramatique National dédié aux arts de la marionnette, il mène une réflexion voire une expérimentation autour de trois concepts forts : le corps, l’objet et l’image. Danse, cirque et arts visuels sont régulièrement convoqués afin de mener cette exploration.

Dans cette dernière création At the still point of the turning world, la marionnette croise la danse et le spectacle entier se fait l’écho de cette figure en trois dimensions : corps-objet-image. Renaud Herbin entre en scène avec une marionnette anthropomorphe et très vite, deux matières vivantes se rencontrent transcendant la question du rapport entre l’animé et l’inanimé.

Cet harmonieux duo laisse ensuite place à une imposante structure de petits sacs de tissus qui forment une foule paisible, comme un océan de bien être au creux duquel la danseuse Julie Noche viendra se perdre au rythme de compositions interprétées en live par la musicienne Sir Alice. Cette proposition n’est pas sans rappeler le travail d’artistes dans la même lignée que Renaud Herbin, Aurélien Bory avec Plexus ou encore Adrien M et Claire B. avec Hakanaï. At the still point of the turning world nous offre des tableaux de quiétude au milieu d’un monde en mouvement.

Babylon (c)Wim Sitvast

Babylon © Wim Sitvast

Babylon – Neville Tranter – Stuffed Puppet Theatre

Neville Tranter, australien de naissance installé aux Pays-Bas depuis les années 80 est une référence en l’art du muppet, marionnette de grande taille à laquelle le manipulateur prête sa voix, devenue célèbre grâce au fameux Muppet Show. Depuis sa première création en 1982 au Festival Mondial des Arts de la Marionnette à Charleville-Mézières, l’artiste a enchaîné les succès internationaux avec des spectacles souvent basés sur le manichéisme de l’être humain. Encore une fois, Babylon interroge notre pauvre condition au travers d’une fable où le politique croise le religieux.

Le point de départ de cette nouvelle création puise dans nos préceptes judéo-chrétiens pour mieux en démontrer l’incohérence sur le terrain de la réalité. En véritable démiurge, Neville Tranter donne naissance à Dieu, ses anges, son fils et ses créatures. Si la fluidité du propos n’est pas toujours au rendez-vous, nous ne pouvons qu’applaudir la dextérité du manipulateur, la performance du comédien et le savoir-faire du plasticien. Neville Tranter n’est autre qu’un monument de la marionnette et un monument, cela ne se contourne pas !

Les géométries du dialogue ©Nicolas Ligeon

Les géométries du dialogue © Nicolas Ligeon

Les géométries du dialogue – Compagnie Juscomama

La compagnie Juscomama est un bel exemple de la jeune génération des marionnettistes, un duo formé par Justine Macadoux, marionnettiste formée à l’ESNAM, interprète notamment pour Renaud Herbin et Coralie Maniez, scénographe et constructrice. À la lisière des arts plastiques, elles nous proposent ici une création qui prend pieds dans la réalité et fait la part belle à l’onirisme.

Que se passe-t-il donc dans la tête d’un enfant ? La petite fille se questionne sur les relations entre ses parents, son rapport à sa grand-mère, et plus largement au monde des adultes. L’adolescente se questionne sur l’amour, celui qu’elle ressent pour ce jeune homme, celui de ses parents. La femme tisse un nouveau rapport avec sa mère. A chaque âge de la vie, les schémas évoluent, les traits s’accentuent ou au contraire s’effacent. Au fil du spectacle, chacune des deux interprètes, la tête recouverte d’un cube noire dessine sur les parois, les émotions de cette tranche de vie. Avec une jolie justesse de jeu et une partition sonore très intéressante, ces géométries du dialogue offrent un joli exemple de ce qui peut faire marionnette si l’on sort un peu des sentiers battus.

Z – Compagnie Tête dans le sac

La compagnie Tête dans le sac portée par Cécile Chevalier, formée au Théâtre aux Mains Nues et Franck Fedele, comédien, est un exemple intéressant de la « nouvelle garde » de la marionnette. Z est un poème révolutionnaire, un Z qui veut dire… que ce n’est pas parce que c’est la dernière lettre de l’alphabet qu’il ne faut pas la considérer ! C’est un hommage aux tout petits, à tous ceux que la grande Histoire a écrasés. Avec pour point de départ l’esthétique que l’on relie à la fête des morts au Mexique, la compagnie revisite avec beaucoup d’humour, les lourdes pages de l’Histoire qui ont marqué l’Amérique. Un sujet délicat abordé de manière enlevée, une création à découvrir !

L’ombre du scarabée – Patrick Corillon – Compagnie Le Corridor

En clôture de cette BIAM, L’ombre du scarabée nous a transportés dans l’inénarrable univers du conteur facétieux Patrick Corillon. « Contes en image » comme l’artiste se plait à définir ses spectacles, ce dernier est un hommage à Étienne-Gaspard Robertson, illustre personnage liégeois de la fin du 18ème siècle, inventeur de fantasmagories. Qu’est-ce qu’une fantasmagorie ? Un prétexte pour nous se laisser bercer d’illusions par la douce voix de Patrick Corillon. Qu’est-ce qui est vrai ? Qu’est-ce qui est inventé ? Qu’importe. C’est du bonheur à l’état pur.

La marionnette c’est donc un concept à trois dimensions : le corps, l’objet et l’image. La marionnette c’est aussi un outil d’exploration de l’Histoire, de la politique, du vivant… Et la marionnette c’est surtout l’inerte qui prend vie, le silence qui prend la parole. À l’initiative du Mouffetard, Théâtre des Arts de la Marionnette, la BIAM a présenté le travail de plus de 47 compagnies du monde entier dont certaines ont su se faire un nom comme celles que nous avons évoquées mais aussi Les Anges au plafond, La Bande Passante, Le Théâtre de la Licorne, le Teatro Gioco Vita, la Numen Company, le Turak Théâtre… et tant d’autres encore à découvrir. Aussi, une fois de plus, cet article est loin d’être exhaustif et propose un simple aperçu de ce qui fait marionnette aujourd’hui au travers de la superbe programmation de cette 10ème édition de la BIAM. La marionnette peut revêtir tant de formes : le théâtre de papier, le théâtre documentaire, le théâtre d’objet, le conte, l’ombre, la gaine, la poupée…. Bref la marionnette, c’est un monde d’imaginaires et de possibles, alors ne perdez pas le fil et continuez de vous émerveiller !

Informations pratiques

Biennale internationale des Arts de la Marionnette – 10ème édition

Dates

Du 3 au 29 mai 2019

Adresse
Le Mouffetard – Théâtre des Arts de la Marionnette
73 rue Mouffetard
75005 Paris

Lieux : 27 théâtres et lieux culturels d’Île-de-France
16 villes et 5 départements (75, 77, 92, 93, 94)

Informations complémentaires
http://www.lemouffetard.com/

Retrouvez toutes les dates de tournées des spectacles sur les sites des compagnies :
www.renaudherbin.com
www.stuffedpuppet.nl
www.juscomama.com
www.latetedanslesac.org
www.lecorridor.be