« La Cerisaie », mise en scène de Christian Benedetti, création du Théâtre Studio au Théâtre du Soleil

Article de Pierre-Alexandre Culo

« Sur la longue route pour Tchekhov, une pause dans sa Cerisaie. »

Christian Benedetti franchit une nouvelle étape de son voyage au cœur du travail de Tchekhov, s’arrêtant pour un temps suspendu dans la Cerisaie du dramaturge russe. Mise en scène une nouvelle fois dépoussiérée et vivante. Une pièce sur la mort qui frémit et implose, dans un rythme effréné, d’une vitalité débordante.

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© Roxane Kaperski

« Vouloir monter tout Tchekhov », telle est l’ambition du directeur du Studio Théâtre d’Alfortville depuis La Mouette de 2011, et le chemin se prolongera avec ses mises en scène d’Oncle Vania et des Trois sœurs. Après cinq années au plus de proche de son écriture, Christian Benedetti s’attaque à la dernière pièce que l’auteur a écrit avant sa mort.

Sans doute l’un des endroits les plus beaux de Russie, cette cerisaie est la terre familiale qui va réunir les proches de la généreuse et excentrique Lioubov. Retour sur le territoire de l’enfance, du temps passé et des moments manqués, ce sont des fantômes de souvenirs joyeux et nostalgiques qui reprennent forme. Dans cette effervescence futile des retrouvailles, la voix de Lopakhine, ancien moujik devenu bourgeois, s’égare. Pendant qu’il s’efforce de convaincre la famille de revendre la Cerisaie, le temps passe et plus aucun choix n’est possible. Retournement social et politique, il finira par se retrouver le nouveau propriétaire des lieux.

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© Roxane Kaperski

Bien que moins dense et renversante que Les Trois Sœurs, cette version de la Cerisaie répond pourtant des mêmes caractéristiques qui font le style Benedetti. Rien n’est superflu, de la scène aux acteurs, pour que le jeu et le texte soient mis en lumière dans ce rythme effréné qui tenait tant au dramaturge russe. Dans cette effervescence futile et vaudevillesque, la scène se fige et ce qui se logeait entre les lignes émerge, une mélancolie interdite qui modifie l’espace avant de se fondre de nouveau dans le feu de leur vitalité. Pas de sentimentalisme mélancolique qui font la lenteur de la plupart des mises en scène accordées aux textes de Tchekhov, Christian Benedetti crée une empathie profonde pour ces personnages en les façonnant d’une humanité sincère. Ecrite à l’origine pour la troupe de Stanislavsky, l’ensemble des comédiens réunis par Benedetti illuminent de justesse à chaque intervention, par leur présence.

« Et puis de bons acteurs qui jouent… C’est tout… ». Tchekhov n’en serait, et pour la quatrième version, certainement pas déçu.

La Cerisaie
Texte Tchekhov
Mise en scène Christian Benedetti
Assistante à la mise en scène Laure Grisinger
avec Antoine Amblard,Brigitte Barilley, Christian Benedetti, Nicolas Buchoux, Christophe Carotenuto, Philippe Crubézy, Philippe Lebas, Jean-Pierre Moulin, Lise Quet, Alix Riemer, Hélène Stadnicki, Hélène Vivies

Du 20 janvier au 14 février 2016

Théâtre du Soleil
Cartoucherie de Vincennes
75012 Paris
http://www.theatre-studio.com/fr