Homme malade, ange fou
Article d’Ondine Bérenger
Tombé sur la scène, un personnage étrange, ange déchu ou juste homme dément – on ne saurait le dire – relate sa vie, de sa naissance glacée dans une salle de bain immaculée à sa mort d’animal à sang chaud : rapport trouble et ambigu à la mère, métaphores sur la création du monde, présence énigmatique au monde.
© Patrice Forsans
Il évolue dans un décor en bâches de plastique blanches tendues sur quatre côtés, masquant partiellement la scène où se trouve une simple table. Image de la salle de bain ou chambre d’hôpital, peut-être représentation d’un paradis de bric et de broc, on ne sait, mais on croirait un décor en chantier. Ici, la cave a perdu son utilité de cadre naturel et son potentiel d’évocation, elle est oubliée, devenue simplement lieu d’accueil de théâtre comme n’importe quel autre endroit. C’est un peu dommage…
Le texte, écrit par Roland Fichet en 1990, ne manque pas d’évoquer le premier roman de Jean-Philippe Toussaint, La salle de bain, de manière froide et presque parodique. Vaste succession d’énigmes dont on ignore la réponse, parfois assez verbeux, certainement métaphorique mais excessivement compliqué, il se situe tristement à la limite de l’incompréhensible.
© Patrice Forsans
Fort heureusement, Benjamin Mba est parvenu à se saisir du texte et à s’en imprégner suffisamment pour restituer, du moins, une forme d’intensité émotionnelle et de sentiment d’inconfort qui surpasse le sens des mots. Tel cet ange rebelle tombé sur Terre dans un monde malade et incertain, il toise le public de son regard à demi démoniaque de fou tragique d’un autre monde, sourire à glacer le sang, se mouvant avec la souplesse à la fois gracieuse et surprenante d’un invertébré. La performance de comédien exceptionnelle qu’il nous livre suffit à maintenir intacte l’attention du public tout au long de la représentation, présence hypnotique, presque inhumaine, fascinante par le sentiment de réalité qu’elle procure : l’incarnation est telle qu’on pourrait oublier que Benjamin Mba ne fait que jouer.
Une énigme complète donc, qui tient grâce au talent d’un comédien exceptionnel.
La Chute de l’ange rebelle
de Roland Fichet
mise en scène Julien Barbazin
avec Benjamin Mbar
Musique et son : Antoine Lenoble
en coproduction avec la compagnie les Ecorchés
du 26 au 29 mai
dans le cadre du Festival de Caves