« LA COLLECTION » Le mystère plutôt que la vérité

À l’heure de la volonté absolue d’information et de transparence, La Collection rappelle l’importance du mystère. Car c’est seulement à partir d’une certaine opacité que naît l’interprétation, la réflexion personnelle, et la remise en question. Car lorsque l’information extérieure, la véracité des faits, vient à manquer, la seule certitude est celle concernant ses sentiments ou ses pensées propres. Le texte de Pinter prend pour prétexte une situation classique, presque banale. Une femme, Stella, a manifestement croisé la route d’un homme, Bill, une nuit dans un hôtel de Leeds. James, le mari de Stella, entraîne avec lui le spectateur dans sa recherche effrénée de la vérité, dans sa volonté de découvrir les évènements qui se sont réellement déroulés cette nuit-là. Mais la succession de scènes qui découlent de sa quête propose à l’audience une multitude de possibilités d’interprétations, sans jamais affirmer quoique ce soit comme effectivement vrai.

© Gwendal Le Flem

C’est par cette absurde continuité que la pièce révèle la puissance de la scène : rien n’est vrai, alors tout peut l’être. Et le choix de cette « vérité » revient in fine au spectateur, à chaque fois. En héritier de Beckett, Pinter s’inscrit dans le théâtre de l’absurde, au travers duquel il livre une image déformée de notre réalité, peut-être plus parlante au final que pourrait l’être une représentation naturaliste.

Et c’est en cela que la mise en scène de Ludovic Lagarde jure peut-être un peu avec le texte. Malgré une direction d’acteurs impeccable, notamment à la vue de la performance de Micha Lescot, et une parfaite compréhension de l’humour du texte de Pinter, certains éléments du plateau sont un peu vides de sens. Dans cette ambiance de film noir, une trop grande volonté de réalisme amène le spectateur à chercher une histoire concrète, et peut-être à manquer le propos principal de l’auteur. La véracité de l’adultère de Stella possède finalement trop d’importance dans la pièce, et fait de l’ombre aux relations ambigües de Harry et Bill, ou de Bill et James. Les décors quasi-naturalistes, impressionnants au demeurant, les costumes ou certaines accentuations des comédiens amènent à se concentrer sur cette intrigue qui n’est au départ qu’un prétexte à ces rencontres. Mais malgré ce léger écueil, le travail sur le silence plutôt que les dialogues génère une tension dramatique remarquable, qui sera plus que suffisante pour capter, tout au long du spectacle, une attention accrue de l’audience.

© Gwendal Le Flem

Informations pratiques

Auteur(s)
Harold Pinter

Mise en scène
Ludovic Lagarde

Avec
Mathieu Amalric, Valérie Dashwood, Micha Lescot, Laurent Poitrenaux

Dates
Du 7 au 23 mars 2019

Durée
1H20

Adresse
Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis, boulevard de la Chapelle
75010 Paris

Informations et dates de tournée
www.bouffesdunord.com