"LA MORT DE DANTON", l’Audacieux face à l’Incorruptible

La Mort de Danton, mise en scène Simon Déletang avec Nicolas Lormeau, Loïc Corbery, Gaël Kamilindi
© Christophe Raynaud de Lage

Imaginez-vous installé devant un gigantesque drapeau tricolore arborant cette phrase de Saint Just : « Tous les arts ont produit des merveilles, l’art de gouverner n’a produit que des monstres. » Imaginez l’obscurité précédant le début d’une représentation soudain troublée par le retentissant Don Giovanni de Mozart. Vous apercevez enfin un salon aux murs immenses, éclairé par quatre chandeliers et un brasero. Si vous levez les yeux, au-dessus de la porte à deux battants, la Méduse du Caravage vous fixera de ses yeux fous pendant les 2h40 que dure la représentation.

Nous sommes cinq jours avant la mort de Danton. Désirant le repos, car “il est plus facile de mourir que de vivre”, le héros de septembre exècre de plus en plus la guillotine et les chapelets de têtes qui en sortent.

Face à ce grand homme qui préfère « être guillotiné que guillotineur », Robespierre, quant à lui, reste convaincu que la Terreur va de pair avec la République.

Cette pièce, ce sont des discours enflammés devenus vivants, plus vivants que les protagonistes eux-mêmes, et qui finissent par les dévorer un par un. C’est Clément Hervieu-Léger en Robespierre, méritant son surnom d’incorruptible. C’est Joël Corbéry en Danton, qui, heureusement pour lui, n’en possède pas le physique, mais définitivement l’éloquence et la fougue. C’est aussi Guillaume Gallienne en Saint Just, qui transforme le public de la Comédie Française en élus de la Convention Nationale.

La juvénilité des comédiens principaux tend à nous surprendre mais correspond à la réalité historique. La pièce de Büchner nous rappelle leur jeunesse, leurs idéaux et leurs doutes. Même Robespierre, interprété par Clément Hervieu-Léger, finit par retirer sa perruque et nous confier ses doutes et sa tristesse de perdre son Camille. Il n’est plus l’incorruptible, l’homme logique et mécanique, mais se transforme en ce qu’il est, un jeune homme perdu. La force de ce spectacle repose sur la profonde humanité d’hommes, que l’on aurait cru inflexibles.

La Révolution n’est pas le principal sujet de ce drame, c’est la mort qui est au centre de tout. De l’ouverture de rideau au noir final, Danton se moque d’elle, la désire, puis la craint. L’angoisse des futurs guillotinés lors de leur dernière nuit devient notre angoisse.

Pour La Mort de Danton, Simon Delétang nous offre une mise en scène intelligente et réaliste. Le décor est un espace unique, qui par d’ingénieux jeux de lumière, nous emmène dans différents lieux du salon de Danton, au lugubre comité de salut public, d’une prison, à la Place de la Révolution.

La Mort de Danton, mise en scène Simon Déletang © Christophe Raynaud de Lage
Photo 1 : Julien Frison / Photo 2 : Christian Gonon, Loïc Corbery, Nicolas Chupin, Gaël Kamilindi,
Nicolas Lormeau, Olivier Debbasch, Laurent Chevalier/
Photo 3 : Julie Sicard, Ipek Kinay, Jean Chevalier, Yasmine Haller / Photo 4 : Marina Hands, Loïc Corbery

Informations pratiques

LA MORT DE DANTON

Auteur(s)
Georg Büchner
Traduction Jean-Louis Besson et Jean Jourdheuil

Mise en scène et scénographie
Simon Déletang

Avec
Guillaume Galienne, Christian Gonon, Julie Sicard, Loic Corbéry,Nicolas Lormeau
Clément Hervieu-Léger, Anna Cervinka, Julien Frison, Gael Kamilindi, Jean Chevalier
Marina Hands, Nicolas Chupin, Sanda Bourenane, Vincent Breton, Olivier Debbasch
Yasmine Haller, Ipek Kinay, Alexandre Manbon

Dramaturgie Agathe Peyrard
Scénographie Éric Ruf et Julie Deliquet
Costumes Marie-Frédérique Fillion
Lumières Mathilde Chamoux
Musiques originales et Son Nicolas Lespagnol-Rizzi
Assistanat à la scénographie Aliénor Durand