« LA PETITE FILLE DE MONSIEUR LINH » La simplicité du voyage poétique

Délicat et simple comme un conte pour enfant, à la fois poétique, doux et grave, le roman de Philippe Claudel trouve, dans la mise en scène de Célia Noguès et l’interprétation de Sylvie Dorliat, une adaptation lumineuse et fine, tout à fait à la hauteur de son écriture inoubliable.

Trois voiles suspendues au plafond, aériennes comme des voiles de navire, révélant seulement des ombres de silhouettes, une cage où repose une bougie en guise d’oiseau, une valise « en cuir bouilli » et un banc, le banc, le fameux banc de l’histoire de Monsieur Linh. C’est dans ce décor épuré et symbolique qu’évolue Sylvie Dorliat, qui campe à elle seule tous les personnages de la pièce. Elle nous transporte du bateau au port, du port au banc de la ville, aisément, de sa voix grave et pleine de sourire – car oui, si étrange que cela soit, même dans les moments les plus terribles, cette actrice a du sourire dans la voix, un sourire immarcescible et gracieux qui lui confère une énergie toute particulière. Elle est tantôt le pauvre vieillard asiatique, angoissé et perdu, serrant dans ses bras son trésor de petite-fille, tantôt le bonhomme Monsieur Bark, imposant fumeur et bavard au coeur d’or, tantôt les femmes du navire qui s’adressent à « l’Oncle » Linh d’une voix moqueuse. Ici, pas de travestissement ou de prouesse technique, mais des changements d’attitudes simples qui donnent à l’imaginaire la figure de ces différents personnages.

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© David Dubost

À l’image du roman, toute la représentation fonde sa poésie et sa délicatesse sur une simplicité habile et précise. L’ambiance sonore, discrète et pourtant très présente, stimule l’imagination par un jeu d’évocation sensible. La comptine en vietnamien, la voix d’une petite fille rappellent la tristesse de cette belle histoire, faisant entendre l’impossible, tout ce qui a été perdu, pour nous dire que sous ces airs d’invitation au voyage, c’est bien un récit d’exil et folie qui nous est raconté, allégé seulement par la lumière de cette amitié entre deux hommes qui se comprennent au-delà des mots. Un seul défaut, mineur, s’il faut en trouver un : on voit bien que Sylvie Dorliat ne fume pas, et pendant quelques secondes, cela nous sort un peu de la représentation. Pour le reste, le récit est admirablement rythmé, bien mené, avec des coupes habiles, et nous transporte (presque) aussi loin que le roman lui-même. Une belle leçon d’humanité.

Informations pratiques

Auteur(s)
Philippe Claudel, texte adapté par Sylvie Dorliat

Mise en scène
Célia Noguès

Avec
Sylvie Dorliat

Dates
Du 15 au 20 avril 2019

Durée
1h15

Adresse
Théâtre de l’Épée de Bois
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris

Informations complémentaires
www.epeedebois.com
Compagnie Les Souliers à Bascule
www.facebook.com/LaPetiteFilleDeMonsieurLinh