"LA PETITE ROBE BLEUE" : Se raconter sur scène, pour

La Petite Robe Bleue, mise en scène Valentin Clerc © Antonin Charbouillot

Pas facile de venir parler de soi face à un public, quand on ne s’est jamais senti à sa place. Valentin s’est installé à son bureau et attend Marion, qui arrive timidement, les mains dans les poches. « Bonsoir », dit-elle. Puis, elle hésite, bégaie, cherche ses mots. Par où commencer quand il faut parler de son enfance, de ses origines, de sa honte… ? Il faut beaucoup de courage, la bienveillance du public, le soutien de son partenaire de jeu, et les souvenirs dans la malle.

La Petite Robe Bleue raconte l’histoire d’une gamine née au mauvais endroit. Elle se sent différente de ses parents, de son milieu, de ses codes. Elle rêve d’un ailleurs. Ici, le temps est long et ne passe pas. La honte l’habite; elle sent le patois lui venir aux lèvres naturellement et tente de lutter pour acquérir un nouveau langage que celui imposé et déformé par son milieu. Son corps l’encombre, il porte les stigmates de ses origines sociales. Elle cherche à le transformer pour devenir quelqu’un d’autre. Elle passe son temps devant la télé, ses idoles télévisuelles deviennent le moyen de penser à un ailleurs. Une obsession naît alors: partir à la ville….

Quand Marion Godon présente son spectacle, elle parle de « solo performatif ». C’est donc un seul en scène qui se joue ici, mais elle fait le choix judicieux et touchant de le partager à deux. Valentin incarne son soutien, son partenaire de « jeu » dans tous les sens du terme, comme l’ami imaginaire surgi de ses souvenirs. Le duo permet de nourrir la dynamique du spectacle, d’apporter une animation joyeuse, enfantine, drôle. C’est également par l’intermédiaire de ce double que Marion réussit peu à peu à trouver les mots, à retracer le fil de son enfance.

L’enfance est au cœur de ce récit autofictionnel – mélange de l’expérience vécue par l’autrice et des témoignages qu’elle a recueillis dans sa région d’origine. C’est l’adulte qui s’adresse au public, mais elle retrouve le temps de la représentation l’attitude d’une enfant, le plaisir du jeu, du déguisement, du personnage. Sur scène, elle peut devenir tour à tour sa mère, son père, Miss France, Hélène… La malle à souvenirs est également pleine d’objets qu’elle manie à loisir pour renforcer son jeu.

Avec la malle de Marion, le bureau de Valentin et le poster d’Hélène, c’est une chambre d’enfant qui reprend vie sur le plateau. C’est aussi une échappatoire et un exutoire, pour exprimer les doutes, les rêves, le sentiment de ne pas être à sa place, l’envie de liberté et d’envol. Bien que le texte soit nourri de différentes vies, Marion Godon s’expose à une mise à nue face au public. Le spectacle est parfois maladroit, imparfait, abrupt. Mais c’est aussi pour ça qu’il est avant tout drôle, sincère, et profondément touchant.