LA PORTE DE FATIMA, une pièce de Roger Assaf aux éditions L’Espace d’Un Instant.
Roger Assaf vit aujourd’hui à Montpellier, mais il est né à Beyrouth en 1941. Comédien, metteur en scène, écrivain, il assume un théâtre socialement engagé. Cependant, sa créativité langagière lui évite la lourdeur inhérente à ce type d’écrit. Il écrit en arabe et traduit lui-même en français, car il est bilingue, comme beaucoup de Libanais de son âge.
La Porte de Fatima était un passage entre le Liban et Israël. En 1971, une Libanaise blessée, Fatima Mahboula, a été transportée vers un hôpital israélien, d’où le nom du passage. Aujourd’hui et depuis le retrait israélien du Liban en 2000, le passage en question est fermé. Les personnages de la pièce sont nombreux, mais ils sont portés par un comédien et une comédienne, aidés par un dispositif vidéo sur grand écran en fond de scène, ce qui permet de faire vivre : le Présentateur, les comédiennes, le photographe, Zeinab, Fatima, la Mère Israélienne, la Mère Libanaise, l’Homme au Téléphone, Madame Wardé, Google la Tortue, la Jeune Fille, le Professeur, la Comédienne, la Putain, Fatima Jawab.
À propos de cette porte, le Présentateur (qui ouvre la pièce) dit :
« Ouvrir une porte close n’est pas toujours aisé, la clé n’en est pas toujours facile à trouver. LA PORTE DE FATIMA par contre, n’est ni ouverte ni fermée, n’en déplaise à monsieur Musset, elle est un espace béant dans une histoire que personne ne connaît vraiment… bien que récente, cette histoire du Liban Sud est déjà une légende, un collage de bribes de récits que chacun raconte à sa façon. » La citation est longue, mais elle explicite bien le contexte et surtout, elle donne une idée du style de l’auteur.
On aura donc affaire à une suite de tableaux : mariage, naissances, guerre, amours contrariées, chagrins, morts violentes… un collage d’événements s’étant produits dans les parages de la fameuse porte et dans des temps différents : 1971, 1980/81, 2000, 2006, le tout, bien sûr, baigné dans la cruauté de la guerre, de l’exode Palestinien, des tentatives de révolte et des manipulations diverses et variées dont sont l’objet les peuples de la région.
L’attaque israélienne de juillet 2006 est évoquée à travers un théâtre de Beyrouth, « Le Tournesol ». On y travaille à une création, l’opération « Pluie d’été » va surprendre tout le monde. La réponse sera : nous allons bien, et vous ? un développement à la fois ironique et puissant rappelle que l’artiste est libre par définition, quelles que soient les circonstances, même dans ce pays martyr, même dans ce Moyen Orient à la fois convoité et abandonné, même témoin des pires injustices, même sous les bombes et face aux chars. L’art est libre par définition. Nous allons bien, et vous ? et cette question les peuples malheureux nous la posent aujourd’hui encore, à nous qui leur apparaissons comme des nantis de la paix.
« Menteur, escroc, salaud, faussaire, arnaqueur, charlatan, trafiquant, salopard… » à qui s’adressent ces qualificatifs ? à tous ceux qui ont une once de pouvoir, fût-il le simple pourvoir de parler ou d’écrire, et qui par là-même, se rendent coupables de méconnaissance des réalités mais s’arrogent le droit de juger voire de condamner.
Aujourd’hui, 19 octobre 2023, après douze jours d’une guerre invraisemblablement cruelle, comment parler de ce lieu, de ces peuples, de ces artistes ? avec quels mots dire les douleurs des uns sans passer pour partial ? la question demeure : Nous allons bien, et vous ?
La Porte de Fatima, conception et mise en scène Roger Assaf, a été créée par le collectif Shams en 2006 sur la scène de l’espace Tournesol, à Beyrouth, dans le cadre de Rond-Point Paris -Beyrouth – Théâtre ville ouverte.
Informations pratiques
Auteur(s)
Roger Assaf
Prix
13 euros
Éditions L’Espace d’un instant
parlatges.org