La Possession de François-Xavier Rouyer © Samuel Rubio
Sur une plage désolée, qui n’existe que par des morceaux complétés par l’imagination du spectateur, un personnage, interprété par Pauline Belle, attend. Empêtrée dans son corps et dans sa vie, dépossédée de son existence, elle cherche l’évasion. La visite d’un livreur psychopompe, joué par Romain Daroles, lui en donnera l’occasion via la possession.
À travers ce terme de « possession », c’est une nouvelle vision du jeu que François-Xavier Rouyer semble chercher. Le conflit de la fable ne se produit pas tant entre des personnages qu’entre des manières différentes de parler. Les personnages sont ainsi représentés par des numéros dans le texte de la pièce, distribué à l’issue de la représentation. Là où la direction d’acteur cherche généralement à homogénéiser ces styles de parole, La Possession en présente un panel hétéroclite : jeu épique, naturaliste, incantatoire ou exutoire se répondent dans une sorte de dialectique entre la déclamation théâtrale et l’incarnation du cinéma. La « première personne » agit dès lors comme un intermédiaire entre la position perceptive du spectateur et l’action de la scène, comme une épave extérieure au monde des vivants, représenté au travers des personnages joués par Mélina Martin et Julia Perezzini, et qui cherche à y revenir en incarnant quelqu’un d’autre.
Tout comme Percival Lowell, qui avait pris le reflet de son œil sur son télescope pour l’image de canaux à la surface de Mars, elle procède par projection, illusion et imagination. Par un geste minimaliste, elle manipule à distance des corps autre, dans une relation entre acteurs qui rappelle les expérimentations du groupe Théâtre de la cruauté de Peter Brook. C’est ce même procédé qui produit une plage là où il n’y a que quelques tas de sable épars autour d’objets en toc ; une fois les artifices dénoncés comme tels, la scénographie élaborée par Hervé Coqueret se révèle comme une projection de l’esprit, qui est l’envers du thème de la pièce. Peut-on posséder un objet, ou seulement ce qu’on projette dessus ? Au-delà de l’animisme qui s’en dégage par endroits, La Possession porte un regard méta-théâtral sur la perception et l’interprétation. La position de l’héroïne ressemble à celle du théâtre face au cinéma qui lui fait de l’ombre. De dénonciations en dialogues d’énonciations, François-Xavier Rouyer dresse un portrait des méthodes de jeu qui hantent le théâtre depuis le début du siècle dernier, et nous invite à les envisager non comme une fatalité, mais un visage possible – un personnage.
La Possession de François-Xavier Rouyer © Samuel Rubio
Informations pratiques
Texte et Mise en scène
François-Xavier Rouyer
Avec
Pauline Belle, Romain Daroles, Mélina Martin, Julia Perazzini
Scénographie Hervé Coqueret
Collaboration artistique Mathias Brossard
Lumières Achille Dubau et Hervé Coqueret
Création son Charles-Edouard de Surville
Régie générale Achille Dubau
Régie son Simon Tylski
Costumes et chats Karine Marques Ferreira
Perruques Vivianne Lima
Dates
Du 28 au 30 octobre au Carreau du Temple, Paris
Durée
1h40
Adresse
Le Carreau du Temple
4, rue Eugène Spuller
75003 Paris
En partenariat avec le Centre culturel suisse à Paris et le Théâtre Nanterre-Amandiers, centre dramatique national
Informations pratiques
Le Carreau du Temple
www.carreaudutemple.eu
Théâtre des Amandiers
nanterre-amandiers.com