"LA TEMPÊTE" d'Emmanuel Besnault, un Shakespeare musical au Théâtre de la Huchette

La Tempête, mise en scène Emmanuel Besnault © Fabienne Rappeneau

Un canot sombre dans la tempête et la frénésie s’empare des naufragés. Dernière pièce de Shakespeare écrite en 1611, La Tempête est aussi l’un de ses textes dramatiques les plus courts. À cette concision s’ajoute le fait qu’Emmanuel Besnault mette en scène la pièce au Théâtre de la Huchette, soit dans un théâtre de 130m² avec quatre-vingt-cinq places et une scène de 18m². « Un Shakespeare musical à trois comédiens en 1h15 de temps sur un des plus petits plateaux de Paris » comme le résume le metteur en scène qui vise à stupéfier l’auditoire.

Comme son titre l’indique, La Tempête s’ouvre sur une scène de naufrage fracassante : celle du vaisseau du roi de Naples, Alonso, qu’accompagne son fils Ferdinand. Ils s’échouent sur une île où règne Prospéro, l’ancien duc de Milan avec sa fille Miranda, le monstre Caliban et Ariel, un esprit aérien. Incarné par Jérôme Pardon, Prospéro avoue avoir provoqué la tempête grâce à sa magie. D’une main de maître, il tire les ficelles de l’intrigue en organisant la rencontre entre Ferdinand et sa fille, respectivement joués par Ethan Oniel et Marion Préïté. Si la mise en scène tend à revoir la prééminence de Prospéro par rapport aux autres personnages, Jérôme Pardon réussit à tenir le rôle d’un personnage contrasté qui, à la fin de la pièce, garde assez de raison pour résister à l’appel de la toute-puissance dont il avait fait preuve jusque-là, se détournant de la voie de la vengeance.

Si la pièce présente une rare unité de temps, de lieu et d’action qui fait de cette pièce shakespearienne une création atypique, la mise en scène d’Emmanuel Besnault propose une rare « unité de personnages ». Il fait le choix de mettre en scène un seul trio d’acteurs. Grâce à l’ingéniosité de l’usage de masques, les comédiens et chanteurs Ethan Oniel et Marion Préïté interprètent chacun un double rôle dans la pièce. La mise en scène d’Emmanuel Besnault, par l’emploi des doubles rôles, nous rappelle que La Tempête questionne le théâtre et son pouvoir d’illusion.

Une langue chantée. Dans la pièce, la musique est essentielle et renvoie au thème de l’île enchantée qu’habite Prospéro, une île « […] pleine de rumeurs, de bruits, d’airs mélodieux qui charment sans nuire. […] ». Sept chansons s’échelonnent sur les cinq actes de la pièce. Sans aucun texte additionnel, Emmanuel Besnault et Jean Galmiche, le compositeur, reprennent à leur tour la version musicale de La Tempête. Ils en proposent une version rock qui rappelle néanmoins au spectateur contemporain que le genre dramatique du Masque, très en vogue en Angleterre sous le règne d’Élisabeth Ire, n’est pas sans échos avec le genre de la comédie musicale.