« LA TÊTE AILLEURS » de Gwendoline Soublin, Avoir la tête ailleurs permet parfois les retrouvailles…

La tête ailleurs de Gwendoline Soublin aux Éditions Espaces 34 – théâtre jeunesse
Ce texte est une commande de la compagnie Dagor. Il a bénéficié du soutien de la Chartreuse-CNES et de l’Office Artistique de la région Nouvelle Aquitaine.

Ce très joli texte est d’entrée déroutant : une femme parle à un coin de terre planté de bégonias : Sous la terre, là, dans ce parterre de fleurs, ici, sous ces bégonias parfaits et ces buis surtaillés, il y a ta boîte à chaussures. Pas grande, bien cachée. Dans cette boîte à chaussures, tu y es Papa. Difficile de croire que tu es rentré dedans. La situation est cocasse : en principe, on n’enterre pas son père dans un jardin public, même quand il pèse moins lourd qu’un sumo à la diète. Et puis on apprend que la tour a été détruite et que du béton va être coulé sur cette tombe discrète : Papa, il faudra pas avoir peur du profond noir dans le grand trou.

Après ce prologue déroutant, vient le dialogue grâce auquel on comprend que « Papa » est un chien dont le vrai nom est Boris, que la vieille dame est une petite fille et que la jeune femme est sa mère … Si vous ne comprenez pas, c’est normal. L’autrice éprouve un malin plaisir à nous embrouiller pour mieux nous embarquer dans son univers poétique. C’est qu’il s’agit d’évoquer une famille, ses problèmes, son vécu, ses tendresses, ses deuils sans rien omettre, mais sans aller dans le pathos. De garder, en somme, le regard sur le monde qu’on a à huit ans, que les choses sont obscures et qu’on a un brave chien nommé Boris pour remplacer son papa mort.

Tête Ailleurs. C’est le nom qu’a donné la mère à sa fille, alors qu’elle avait neuf ans. La mère mise au chômage par la fermeture de l’usine de fromage en tube, compense sa frustration en adoptant toutes les causes, en adhérant à toutes les associations qui réclament justice pour les faibles. NON, NON, NON À L’HUMILIATION ! en se démenant ainsi, elle a l’impression d’être réaliste, rationnelle, d’avoir la tête sur les épaules, alors que son enfant délire encore dans les chimères. Tête en l’air, donc.

Mais tout n’est pas si simple. L’enfant aurait besoin de soutien, de considération, de la présence de sa mère à la fête de l’école. Je t’ai dit, Voltairine, que la Mairie a posé des lasers sur le toit de la tour 57 ? des lasers pour chasser les chouettes qui tentent de nicher là. Il faut « dégommer les lasers » le jour de la fête, justement, pour marquer un grand coup publiquement. Incompréhension totale. Et tout ce temps qui a passé depuis, et ce Boris-Papa le chien fidèle qui est mort, et la mère qui n’est plus qu’un revenant qui continue de hanter sa fille devenue vieille ; tout cela nous parle de chagrin et de rendez-vous manqués. De pardon, aussi.

Voltairine -Tête Ailleurs- porte un prénom qui réfère à la raison. Sa mère -l’activiste positive- a pour prénom Soledad et entend qu’on ne l’appelle pas maman. Soledad a la tête tournée vers le soleil de la justice -la tête ailleurs, donc. La vie est ainsi faite et c’est peut-être au prix de ces échappatoires qu’elle peut être supportée.

Un très beau texte, redisons-le. Pas gnangnan, pas moralisateur, pas pathétique, juste sensible et qui parlera à la jeunesse.

Informations pratiques

Auteur(s)
Gwendoline Soublin

Prix
9 euros

Éditions Espace 34
www.editions-espaces34.fr