« L’adversaire » mise en scène Frédéric Cherboeuf au Théâtre Paris Villette

Article de Sébastien Scherr

Ecriture et violence

Jean-Claude Romand a froidement tué sa femme, ses enfants, leur chien, ses parents, puis tenté de mettre fin à ses jours. Ce fait divers macabre a suscité la curiosité du romancier Emmanuel Carrère, qui en a fait un récit cinq ans plus tard. Pour cela, Carrère a rencontré Romand en prison. Il a cherché à comprendre l’incompréhensible, à scruter l’humain transparaître de l’inhumain. Cette plongée dans l’horreur a dû le bouleverser et n’a pas pu le laisser tout à fait indemne.

adversaire_pierre_dolzani_1© Pierre Dolzani

C’est cette histoire de la rencontre entre l’auteur du récit et l’auteur du crime que retrace l’adaptation pour le théâtre de Vincent Berger et de Frédéric Cherboeuf. L’astuce a été de ne pas traiter directement, ou du moins pas exclusivement, de la tragédie, mais d’apporter une distanciation, et parfois même de l’humour, en racontant le drame de cette confrontation de l’écrivain au monstrueux.

adversaire_pierre_dolzani_2© Pierre Dolzani

La pièce commence par une rencontre entre le metteur en scène de la pièce (Cherboeuf), qui joue ici son propre rôle, et l’auteur du récit, Carrère, interprété par Vincent Berger. Pour cette séquence, où débute la mise en abîme, les lumières de la salle sont restées éclairés. Le public sera plongé dans le noir lorsque l’histoire proprement dite, celle de Romand, sera présentée.
D’une excellente idée de départ, les auteurs adaptateurs ont tiré un spectacle assez moyen, très dramatique, lent et ennuyeux. Le recours à la narration est quasi systématique, quand plus de saynètes auraient pu raconter autant avec plus d’allant. Le rythme est lent, l’atmosphère est pesante, soulignée, si besoin était, par des notes de piano pathétiques. Ce piano, placé au beau milieu de la scène, la pianiste étant dos au public, devient le personnage central de cette mélotragédie. Seuls les personnages féminins de Corinne, la maîtresse dupée, puis de Marie-France, la visiteuse de prison catho exaltée, viendront égayer par leur jeu vif et enlevé cette ambiance sordide où le pathos s’ajoute au pathos. Cependant, Vincent Berger accomplit une belle performance d’acteur, passant du rôle de Romand à celui de Carrère avec une soudaineté étonnante.
Mais aucune note gaie ne ressort : on ne voit pas véritablement l’évolution du personnage de l’auteur, et l’impact, salvateur ou non, qu’à eu sur lui cette terrible rencontre.

 

 

L’adversaire
Adaptation Vincent Berger et Frédéric Cherboeuf, d’après le roman d’Emmanuel Carrère
Mise en scène Frédéric Cherboeuf
Scénographie, Lumières Jean-Claude Caillard
Costumes Nathalie Saulnier
Avec Vincent Berger, Frédéric Cherboeuf, Jean de Pange, Gretel Delattre, Alexandre Serre, Maryse Ravera, Camille Blouet

Du 16 au 26 mars 2016

Théâtre Paris Villette
211 Avenue Jean Jaurès
75019 Paris
www.theatre-paris-villette.fr