Article de Paula Gomes
Un Barbe-Bleue énigmatique et méticuleux
La Onzième édition du festival des Scènes ouvertes à l’insolite, co-organisée par le Mouffetard – Théâtre des arts et de la marionnette et le Théâtre aux Mains Nues, propose différents parcours pour découvrir des spectacles originaux et la nouvelle génération de marionnettistes. Dans sa première mise en scène, Yoann Pencolé revient sur l’affaire Landru, qui éclata à la fin de la Grande Guerre lors de l’arrestation d’Henri Désiré Landru, assassin présumé de onze victimes entre 1915 et 1919 dont les corps n’ont jamais été retrouvés. Escroc et charmeur, ce déserteur aux multiples identités profita du contexte chaotique pour attirer des femmes seules dans sa villa, leur extorquer leurs biens et commettre la barbarie. Porté par des comédiens et des marionnettes, ce spectacle-procès bien documenté et voyeuriste suit avec attention l’itinéraire du premier tueur en série français, condamné à la peine de mort et guillotiné en 1922. L’orateur ironique sème le doute, effraie, passionne et demeure encore aujourd’hui un mystère !
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Sur scène, une petite chaumière d’où se dégage de la fumée, un poste de radio rétro, des rires de femmes au loin. La narration commence tel un conte populaire, celui de « Barbe-Bleue », un homme riche mais repoussant dont les épouses une à une disparaissent tandis que sur l’écran s’esquisse le portrait de Landru, devenu à jamais le « Barbe-Bleue de Gambais». De l’enquête au procès retentissant de 1921, le public assiste au récit glaçant de crimes presque parfaits perpétrés par un individu aux multiples facettes (père de famille, amant, fugitif, bouc émissaire). Comédiens, têtes de marionnettes, théâtre de papier ou images, les protagonistes (victimes, amante, inspecteur, magistrats, villageois) se succèdent vindicatifs, éplorés ou avec retenue. Grâce aux familles des disparues et à la détermination de l’inspecteur Belin, l’enquête progresse. Le carnet noir de Landru et les perquisitions apportent de nouveaux éléments. Devant la cour d’assises, le provocateur conserve son humour mais reste silencieux aux accusations, emportant avec lui son secret.
Une mise en scène ingénieuse, sobre alternant narration et instantanés sur la vie fascinante de Landru, représenté par une énorme tête. Un procès où les spectateurs deviennent les jurés d’un soir. La scénographie, les lumières et l’émotion des personnages intensifient la dramaturgie. Le jeu des acteurs-narrateurs s’équilibre bien avec celui des manipulateurs experts. De l’effroi à l’apparition de la cuisinière, des effets comiques, une quantité de personnages et de lieux (poésie du théâtre de papier). Une histoire entraînante et moderne avec de beaux tableaux.
Landru inspira bien des artistes notamment Charlie Chaplin pour son film Monsieur Verdoux. A noter aussi dans ce festival : « La Barbe Bleue » présente, en corps-castelet, une version du conte de Perrault du point de vue de l’épouse prenant son destin en main pour échapper à son mari criminel. Contes, poèmes visuels, théâtre d’objets ou marionnettes, des techniques de manipulation et des univers étonnants au programme des Scènes ouvertes à l’insolite du 7 au 15 octobre 2016.
Landru
Compagnie Zusvex – Création 2016
Texte de Pauline Thimonnier
Mise en scène Yoann Pencolé
Collaboration à la mise en scène Pauline Thimonnier
Création lumière Fabien Bossard
Création sonore Pierre Bernert
Scénographie Maïté Martin
Construction des marionnettes Antonin Lebrun
Costume Under the bridge – Anna Reun
Jeu Pierre Bernert, Fanny Bouffort et Yoann Pencolé
Régie générale Fabien Bossard ou Julia Riggs
Regard extérieur sur le jeu et la manipulation Philippe Rodriguez Jorda
Regard complice sur l’écriture Sylvie Baillon, Pierre Tual et Marie Bout
Vendredi 14 octobre 2016 à 20h | Samedi 15 octobre 2016 à 19h
Durée : 1 h 15
Le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette
73 rue Mouffetard
75005 Paris