"LE CHOEUR DES AMANTS" pièce de cœur intimiste et résolument actuelle

Le chœur des amants, mise en scène Tiago Rodrigues © Filipe Ferreira

Le chœur des amants de Tiago Rodriguès est tiré d’un récit théâtral qu’il a écrit en 2007 sur le passage du temps dans une histoire de couple soudé. La pièce commence sur une polyphonie lyrique à deux voix de l’homme et la femme qui se racontent en même temps. Elle dit « je » quand il dit « elle », ou il dit « je » quand elle dit « il » simultanément. Et ce chœur en duo rejoint la métaphore de ne faire plus qu’un en amour. Ça commence avec un suspens haletant ; elle fait un arrêt cardiaque et le spectateur vit ce moment en même temps. C’est poignant dès le départ.

L’intensité est jouée par leur côte à côte sur scène, à faire presque les mêmes gestes chacun à sa manière, avec trois fois rien à propos de leurs tendres différends. Inscrits dans la musicalité du texte, ils adressent au public comment le quotidien se joue d’eux, à propos du film de Scarface dont ils n’arrivent pas à voir la fin, le soir avant de s’endormir. Ce couple s’interroge sur comment procéder de la normalité. Le jeu des comédiens pourrait donner l’impression qu’ils s’approprient leurs vies personnelles tant il paraît juste, réactualisé dans le contexte des événements récents pour rester au présent. Le décor est un arrière-fond en velours vert. Et dans ce théâtre majestueux se révèlent toutes les ficelles invisibles du cœur de leur intimité. Cette sobriété à la mise en scène subtile permet à la scénographie de happer le placement des personnages, avec une légère mise en abyme. D’abord proches à l’avant-scène puis distants au lointain, ils expriment leur singularité triviale. Peu à peu, le focus sur leurs gestes et leur façon d’engager le corps invite à s’imprégner avec eux de leur routine, qu’ils racontent en même temps qu’ils la vivent. C’est précis et empreint d’un humour léger quand la continuité du texte fait de jolies ritournelles avec la trame de la narration. Cette mise en scène pourrait s’assimiler aux plans d’un film, là axé sur les mains, ici sur les postures de chacun, selon qu’ils regardent dans la même direction ou se regardent. La lumière le permet aussi : elle prend le pli de l’âge des personnages au fil de leur vie. Car la résonance de l’éclairage est intelligente et parvient à faire traverser le temps sur leur visage. La pièce en verve est courte et prégnante, transmettant sur scène une belle façon de s’aimer, à l’infini et inconditionnellement.

Tiago Rodrigues a été nommé directeur du Festival d’Avignon cet été et est à l’honneur à Paris, pour trois de ses pièces qu’il a écrites et mises en scène avec Catarina et la beauté de tuer des fascistes aux Bouffes du Nord aussi. Dans la mesure de l’impossible s’est joué au Ateliers Berthier -Théâtre de l’Odéon. Le choeur des amants réchauffe l’âme des cœurs battants. Son écriture est vive et sa mise en scène palpitante. Ces trois pièces sont publiées aux Solitaires Intempestifs.

Le chœur des amants, mise en scène Tiago Rodrigues © Filipe Ferreira

Informations pratiques

LE CHOEUR DES AMANTS

Texte et mise en scène
Tiago Rodrigues

Avec
David Geselson ou Grégoire Monsaingeon (en alternance) et Alma Palacios

Scénographie Magda Bizarro et Tiago Rodrigues
Lumières Manuel Abrantes
Adaptation Lumières pour Bouffes du Nord Rui Monteiro
Costumes Magda Bizarro
Traduction du texte Thomas Resendes

Dates
Du 8 au 29 octobre 2022 au Théâtre des Bouffes du Nord, Paris
Du 7 au 11 novembre 2023 au Théâtre des Bouffes du Nord, Paris
Du mardi au samedi à 20h, le samedi à 16h