Article de Paula Gomes
Amours ou spéculations, en attendant jouons…
Le Centre Dramatique National des Tréteaux de France fait sa Grande Escale en juin à Paris avec sa dernière création « Le faiseur » de Balzac. La troupe itinérante évolue sur un tréteau vide, dans un intérieur bourgeois aux mobiliers épars, de grandes fenêtres, des rideaux blancs, un petit salon à gauche, un secrétaire et une coiffeuse à droite. Un lustre et un tableau de maître au sol, des malles et le valet qui s’affaire sur un escabeau, est-ce un déménagement précipité ou le début des travaux ? Le banquier Mercadet est pourtant au bord de la faillite mais il ne veut pas perdre la face. Devant son propriétaire, qui veut saisir ses biens et le défilé des créanciers, il joue sa vie entraînant femme, enfant et domestiques. Marier sa fille Julie à Monsieur de la Brive, un riche parti est la solution à tous ses ennuis. Qu’importe que Julie soit amoureuse d’Adolphe Minard, un simple employé, Mercadet organise un dîner opulent pour conclure l’affaire, sans lésiner sur la dépense, aux frais de ses amis. Ce faiseur d’argent sans moral n’est jamais à court d’idées et répond aux doléances et aux attaques par des projets et des placements boursiers attractifs, n’hésitant pas à prendre tous les risques et se mettre dans des situations grotesques. Une course contre la ruine où les sentiments sont mis à mal, une farce vive et cinglante qui dénonce les dérives des spéculations financières avec des personnages ardents, drôles et pleins d’esprit.
© Olivier Pasquiers
La mise en scène de Robin Renucci accorde une grande liberté de jeu aux comédiens par un dispositif ingénieux. Toujours à vue autour du plateau, ils accompagnent l’action, prêts à intervenir à tout moment (réactions, bruitages et musique) dans ce combat où tous les coups sont permis. L’individu traqué redouble de ruse et trompe son monde dans l’attente d’un sauveur providentiel, un mystérieux Monsieur Godeau. Un va-et-vient jouissif et dynamisant entre les personnages du 19ème siècle et les acteurs d’aujourd’hui sur des questions d’argent toujours d’actualité : actions en bourse, épargne, escroqueries. Les protagonistes sont enserrés dans des tenues d’époque remarquables : redingotes, robes cintrées aux manches bouffantes, perruques, coiffes, velours et tissus délicats. Couleurs chatoyantes : le vert domine, représentant le mensonge et le jeu, le violet des femmes évoquant la tempérance et l’obéissance. Accords parfaits des silhouettes, du décor et des lumières qui forment des clairs-obscurs en un tableau contrasté et harmonieux.
© Eric Facon
Une troupe brillante autour de Bruno Cadillon en Mercadet inépuisable et cynique. Théâtre d’émotions opposant l’argent, au travail et aux sentiments avec ironie et beaucoup d’humour. À travers cette fable sociale, Balzac livre un texte puissant et visionnaire où la dette est au cœur de la dramaturgie, préoccupé par les dérives de la spéculation à l’aube du capitalisme boursier en 1840. Dans un monde froid et individualiste, un questionnement sur les valeurs et l’avenir de la société.
Le faiseur
d’Honoré de Balzac, mise en scène de Robin Renucci
Avec Judith d’Aleazzo*, Tariq Bettahar*, Jeanne Brouaye ou Marilyne Fontaine (en alternance), Bruno Cadillon, Daniel Carraz, Gérard Chabanier, Thomas Fitterer*, Sylvain Méallet*, Patrick Palmero* et Stéphanie Ruaux*.
* Comédiens de la troupe des Tréteaux de France
Scénographie et accessoires Samuel Poncet
Costumes Thierry Delettre
Lumières Julie-Lola Lanteri-Cravet
Maquillage et Masques Jean-Bernard Scotto
Assistants à la mise en scène Joséphine Chaffin et Sylvain Méallet
Dramaturgie Evelyne Loew
Production Tréteaux de France, Centre dramatique national
Coproduction Théâtre Jacques Coeur à Lattes et l’Arc, scène nationale du Creusot
Du 15 Juin au 2 Juillet 2016
Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche 19 juin à 15h
Durée 2h
Théâtre l’Épée de Bois
La Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris