Le Fossé, mise en scène Serge Barbuscia © Gilbert Scotti
« Rien à faire. »
« Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. »
C’est comme ça que ça commence, en fait. « Rien à faire » c’est la première réplique d’En attendant Godot et « Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir » c’est le début de Fin de partie. Deux pièces mythiques écrites par Samuel Beckett. « Rien » c’est aussi le premier mot de la pièce de Jean-Baptiste Barbuscia, Le Fossé. Et ce n’est sûrement pas un hasard tant l’univers beckettien – si tant est que l’on puisse le définir ainsi – trouve des échos dans ce texte.
Sauf que dans Le Fossé on attend activement : on creuse ! Et pas n’importe quoi : un fossé toujours plus profond. Quant à savoir quel est le but de cette excavation… Là est la question. Pierre ne s’en pose pas, lui, de questions et creuse, car c’est finalement ce qui donne du sens à son existence. Amel fait alors irruption pour reboucher le fossé : l’antagonisme se noue, et voilà Pierre et Amel en pleine confrontation sur l’opportunité de creuser plutôt que de combler, et inversement. Prétexte aussi à venir chatouiller le patriarcat. L’arbitre de cet affrontement c’est Mousse : travailleur immigré aux ordres de Pierre qui voit l’arrivée d’Amel comme une occasion de s’émanciper. Les rapports de force changent et voilà le projet de vie du patron remis en question. Pourtant, le fossé se creuse toujours plus jusqu’à l’irruption d’un étrange animal parlant qui pourrait peut-être changer la donne…
Dans cette fable contemporaine, où se croisent l’univers de la bande-dessinée, de la tragédie et de la farce, le metteur en scène et scénographe Serge Barbuscia fait le choix de ne pas représenter le fossé – principal protagoniste de cette histoire en quelque sorte – mais de le signifier à travers un immense mur qui divise l’espace et avance inexorablement à mesure que le fossé se creuse, réduisant ainsi l’espace de jeu. Les seuls autres éléments présents sont de grands cartons fermés, dont on ignore le contenu et qui sont manipulés durant toute la pièce presque exclusivement par Mousse, comme dans un immense entrepôt en proie à une activité incessante et vaine. Le tout finement souligné par les lumières de Sébastien Lebert. Dans une distribution de haute volée où la corporalité joue un rôle primordial, Laurent Montel incarne un Pierre bougon, parfois cabotin et parfois inquiétant, tandis que Maïssane Maroqui lui oppose une Amel énergique et révoltée. Xavier Coppet est un Mousse virevoltant – l’interprète mettant ici en avant ses qualités de danseur – tandis que Fabrice Lebert déploie toutes ses qualités de comédien dans le rôle étonnant, à la fois fantasque et émouvant, de La Chèvre. Enfin, Alice Faure est hiératique dans son interprétation de L’Homme, mystérieux personnage faisant son irruption tel un deus ex machina à la fin de la pièce.
Ce spectacle où affleurent les grandes préoccupations politiques, écologiques et sociales de notre siècle sera à retrouver au Festival Off d’Avignon 2023.
Le Fossé, mise en scène Serge Barbuscia © Gilbert Scotti
Informations pratiques
LE FOSSÉ
Auteur
Jean-Baptiste Barbuscia, éditions Les Cygnes
Mise en scène et scénographie
Serge Barbuscia
Avec
Xavier Coppet, Alice Faure, Fabrice Lebert, Maïssane Maroqui, Laurent Montel
Composition musicale Éric Craviatto
Costumes Christian Burle
Création lumière Sébastien Lebert
Durée
1h20
Dates
Du 8 au 16 avril 2023 au Théâtre du Balcon à Avignon
Du 7 au 26 juillet 2023 à 18h Festival Off d’Avignon au Théâtre du Balcon, Avignon
Le mardi 10 octobre 2023 à 20h30 au Château de Fargues, Le Pontet
Le 18 octobre à 20h et le jeudi 19 octobre 2023 10h et 14h30 au Théâtre Benoît XII, Avignon
Adresse
Théâtre du Balcon
38, rue Guillaume Puy
84000 Avignon
Informations complémentaires
Théâtre du Balcon
theatredubalcon.org
Festival OFF d’Avignon
www.festivaloffavignon.com
