« Le goût du faux et autres chansons », de et par le collectif Jeanne Candel / La vie brève, au Théâtre de la Cité Internationale

Article d’Ondine Bérenger

L’absurde cadavre exquis théâtral

Des personnages sortis d’un tableau du XVIIe qui s’analysent eux-mêmes, un dîner qui dégénère, une réparatrice de piano aveugle, deux astronautes en capsule, et un écrivain en manque d’inspiration, autant d’éléments qui se croisent et se côtoient en un drôle de méli-mélo théâtral monté par le collectif La vie brève, dirigé par Jeanne Candel.

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© Jean-Louis Fernandez

Créé à partir d’improvisations et d’exercices de pratique théâtrale retravaillés et mis bout à bout, cette création atypique, à la manière d’une partie de cadavre exquis, représente une sorte de nouveau théâtre de l’absurde, où des situations banales détournées fréquentent des saynètes apparemment sans queue ni tête. Sur scène, les douze comédiens de la troupe font preuve d’une énergie communicative qui confère à la pièce un rythme assez jubilatoire, le tout porté par un humour sans cesse présent à travers les différentes scènes qui se succèdent. En réalité, l’œuvre est bien étrange, et l’on se demande souvent d’où elle part et où elle va… tout en profitant du voyage.

Il est toutefois assez impressionnant de constater que tous les éléments semblent former un monde cohérent, un monde dont la logique échappe à notre quotidien, mais qui se tient de manière continue et fluide, sans rupture. Scènes comiques, scènes étranges voire glauques, scènes qui interrogent, remise en question artistique, décortication des relations humaines et satyre sociétales se suivent et se confondent presque comme des numéros de cirque. À la différence, cependant, qu’il est aisé pour le spectateur d’y projeter un fil conducteur, une volonté de sens. Tous ces personnages fantasques qui se croisent ne seraient-ils pas issus de l’imagination éperdue de cet écrivain en manque d’inspiration qui erre tout au long de la pièce ? Ou bien ne seraient-ils pas la création des personnages du tableau qui, après avoir analysé leur propre composition, auraient dépassé les limites de leur cadre ? Les possibilités sont multiples, et laissent au spectateur dubitatif un espace de réflexion très vaste.

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© Jean-Louis Fernandez

Les comédiens incarnent tous leurs rôles avec joie, conviction, et une technique irréprochable. En particulier, les deux astronautes, lors de leur voyage spatial, réalisent une véritable prouesse gestuelle qui téléporte le spectateur directement dans leur capsule en flottement dans le vide ; certainement l’un des moments les plus agréables de la pièce.

Ainsi, si les scènes manquent parfois de liant, la force évocatrice et le dépaysement qui émanent d’elles suffisent à combler le manque. On est déstabilisé par cette représentation originale où se fréquentent les arts : musique au piano, chant, théâtre gestuel, danse et langage… Dommage cependant que quelques longueurs (notamment durant les scènes du tableau) viennent parfois alourdir le récit.

Une création foisonnante d’idées et de passion, qui ne demande qu’à éclore davantage.

 

Le goût du faux et autres chansons

mise en scène Jeanne Candel

scénographie Lisa Navarro

costumes Pauline Kieffer

lumière Vyara Stefanova

assistanat à la mise en scène Douglas Grauwels, Nans Laborde-Jourdaa

régie générale et construction des décors François Gauthier-Lafaye

de et avec Jean-Baptiste Azéma, Charlotte Corman, Caroline Darchen, Vladislav Galard, Lionel Gonzalez, Florent Hubert, Sarah Le Picard, Laure Mathis, Juliette Navis, Jan Peters, Marc Vittecoq

 

 

Du 14 au 24 avril

 

 

Théâtre de la Cité Internationale

17, Bd Jourdan

75014 Paris

http://www.theatredelacite.com/#/accueil