« LE GOÛT DU SEL », quand l’onirisme et la mythologie permettent d’aborder des sujets contemporains pour le jeune public

« Je voudrais
une énorme bouche pour être écoutée
et dormir dans le calme
je voudrais
je voudrais tant
que le vent serpente dans leurs cheveux à plein galop
que les pluies ruissellent pour décrasser leurs peaux si pâles et leurs yeux si vides
Et que nos cris que l’on rend muets
à force
que nos cris brisent les parois de verre
et que l’on sache
ainsi
combien je suis puissante »

Stéphane Bientz est un auteur attentif à la parole et d’une belle inventivité langagière, tout en réfléchissant toujours à la corporalité des mots. Peut-être parce qu’il est aussi comédien et marionnettiste. Il s’intéresse au monde de l’enfance et l’un de ses précédents textes jeune public, Hématome(s), avait d’ailleurs été primé par les Journées de Lyon des Auteurs de Théâtre ainsi que les Écrivaines et Écrivains Associés du Théâtre qui lui avaient décerné le Prix EAT jeunesse en 2018.

Dans Le Goût du sel, il est question de parole et d’écoute, de consentement et de courage et, surtout, de recherche de la vérité, le tout dans un univers oscillant entre réalisme et onirisme teinté de références mythologiques.

Lorsque deux adolescents, Jelly et Polo, rejoignent leur classe, le front de ce dernier saigne. Jelly, accusée de l’avoir blessé, laisse dire, alors que sa bande d’amis cherche à comprendre et que celle à laquelle appartient Polo incite ce dernier à se venger. Jelly se tait obstinément jusqu’au jour où une pluie de méduses inonde la ville et oblige tout ce monde à se réfugier sous un très grand arbre afin de s’abriter : c’est là que la vérité va se dévoiler.

Dans cette quête, l’entourage de Jelly prend une part importante puisque c’est lui qui nous raconte une grande partie de cette histoire. Là où l’auteur fait preuve d’une belle inventivité, c’est qu’il attribue à chacune et chacun des amis de Jelly un trait particulier qui marque leur personnalité. Ainsi, Ronan est celui « qui déforme souvent » alors qu’Alma est celle « qui sait tout, tout le temps ». Leur langage s’en trouve ainsi influencé, de même que l’histoire qu’ils racontent. Par opposition, La bande de Mika, à laquelle appartient Polo, ne se compose que de « voix qui dénigrignotent » (sic), creusant ainsi les antagonismes.

La pluie de méduses fait basculer la seconde partie de la pièce dans un univers fantastique et onirique, permettant d’extraire le sujet des relations humaines, du harcèlement et du consentement d’un contexte purement réaliste et prosaïque afin d’en décupler les enjeux. De même, une référence mythologique à Callisto, issue des Métamorphoses d’Ovide, démontre une fois de plus la puissance de suggestion de la mythologie pour aborder des sujets contemporains.

Informations pratiques

Auteur(s)
Stéphane Bientz

Prix
9 euros

Éditions Espace 34
www.editions-espaces34.fr