« LE GRAND SOMMEIL », Véritable leçon d’incarnation !

Le Grand Sommeil © Marion Siéfert

Jeanne, 11 ans, enfant en passe de devenir jeune femme se retrouve face à l’interdiction parentale de continuer le spectacle pour lequel elle a été engagée. Par le corps d’une comédienne (Héléna de Laurens), elle nous explique comment tout cela lui est arrivé.

Le Grand Sommeil offre une performance d’incarnation hors du commun. Héléna de Laurens dévoile un jeu corporel impressionnant. Elle reproduit à la perfection le corps complètement décomplexé d’une enfant. Une jeune fille qui n’a pas encore appris à se tenir, qui n’est pas corsetée d’injonctions sociales, un corps libre, un corps comme partenaire actif des histoires qu’elle raconte. Elle se contorsionne dans certaines positions qui lui donnent parfois une allure de monstre désarticulé. Elle joue également avec les possibilités de son visage qu’elle s’amuse à déformer allègrement. La comédienne plonge le spectateur dans l’univers très particulier de la préadolescence. Cet endroit qui touche aux limites de l’enfance, où l’innocence commence à s’effacer, où le mignon laisse peu à peu la place à l’étrange et au monstrueux. Ce va et vient entre les deux mondes frappe encore plus que le corps physique en face du spectateur est celui d’une femme adulte. Selon les moments, ce décalage amène des rires ou vient déranger la bienséance. Certains mouvements ramènent le spectateur directement à la femme comédienne comme par un refus automatique de les imaginer chez une petite fille tandis que d’autres emportent immédiatement dans l’enfance.

Le texte de Marion Siéfert retranscrit avec réalisme la pensée d’une fillette de 11 ans. Les idées sautent parfois du coq à l’âne comme dans la parole d’un enfant. Ainsi, par ce discours si spécifique, aux émotions vives et tranchées, l’autrice ravive avec brio cette période de vie à laquelle chaque spectateur peut s’identifier.

La scénographie se veut très sobre. Il n’y a pas de décors ou plutôt le plateau du Théâtre des Bouffes du Nord se prête parfaitement comme décors au spectacle. La comédienne toute de rouge vêtue apparaît avec sa jupe à carreaux et ses baskets sur cette scène, profonde, surplombée d’une très haute arche. Cet immense espace et ce costume se combinent parfaitement pour offrir cette image de petite fille dans un monde « d’anciens ». Quelques accessoires tel qu’un sac, un rouleau de scotch, un long tissu, permettent à la comédienne de façonner différents tableaux qui se veulent à leur tour drôles, incongrus, poétiques ou très sombres. En effet, ce côté monstrueux et obscur revient à plusieurs reprises par différentes formes (par le corps, par des effets de voix, par ces tableaux). Il illustre bien que le monde de l’enfance ne se compose pas que rose ou dans ce cas-ci de rouge.

En conclusion, ce seul en scène dépasse toutes attentes. Il surprend, fait rire, questionne, dérange et possède de magnifiques tableaux. En une phrase, il est un réel bonbon théâtral.

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Le Grand Sommeil © Marion Siéfert

Informations pratiques

LE GRAND SOMMEIL

Conception et Mise en scène
Marion Siéfert

Collaboration artistique et interprétation
Hélèna de Laurens.

Chorégraphie Helena de Laurens et Marion Siéfert
Scénographie & assistanat à la mise en scène Marine Brosse
Lumière Marie-Sol Kim, Juliette Romens
Création sonore Johannes Van Bebber
Costumes Valentine Solé

Dates
Jusqu’au 21 avril 2023 au théâtre des Bouffes du Nord, Paris

Durée
1h

Adresse
Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis, boulevard de La Chapelle
75010 Paris

Informations complémentaires

Théâtre des Bouffes du Nord
www.bouffesdunord.com