Article d’Ondine Bérenger
La nouvelle incarnée
Sur un paquebot en direction de l’Argentine, un Autrichien, intéressé par la nature humaine, souhaite disputer une partie d’échecs avec le champion mondial pour tenter de cerner son caractère. Avec un groupe de voyageurs, il tente de défier le maître, et parvient à obtenir match nul grâce à l’intervention d’un mystérieux inconnu : un Autrichien, pour qui les échecs ont été le seul moyen de résister à l’isolement complet initié par les Nazis, dont il était prisonnier, durant l’occupation de son pays.
© DR
Seul en scène, André Salzet interprète les différents protagonistes de la célèbre nouvelle de Sweig, prêtant à chacun d’eux une identité réellement unique et des attitudes révélatrices de leur caractère profond : narrateur curieux, fragile inconnu aux prises avec son obsession, écossais vaniteux et champion du monde abrupt et taciturne prennent tour à tour possession de l’espace scénique avec une individualité étonnante. On retrouve, dans cette interprétation, la précision chirurgicale de la plume de l’auteur en ce qui concerne la tension psychologique de chacun des personnages. Le comédien, par sa diction toujours impeccable et sa présence charismatique, parvient à capter l’attention sans failles du spectateur pendant plus d’une heure.
Pour accompagner André Salzet dans son interprétation, une chaise, comme unique accessoire. Pourtant l’immersion est complète. L’excellent jeu de lumières permet de rythmer le récit, passant tour à tour des hublots ronds du paquebot à la lumière blanche et froide d’une salle d’interrogatoire, nous transportant d’un lieu à l’autre par un minimalisme étonnamment évocateur.
Point d’échiquier sur le plateau, pourtant l’on croirait voir les pièces se déplacer de case en case tant les images surgissent aisément.
Un hommage brûlant à la nouvelle de Stefan Sweig, comme une incarnation du livre même. On ne s’étonne pas que cette adaptation fête sa vingtième année de succès.
Le Joueur d’Echecs
de Stefan Sweig
Traduction Jacqueline Desgouttes
Mise en scène Yves Kerboul
avec André Salzet
Régie lumière Ydir Acef
du 29 juin au 20 août
Lucernaire
53 rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris