« LE MYSTÈRE SUNNY », Le mystère à double face

Le Mystère Sunny, mise en scène Dominique Guilo © Fabienne Rappeneau

Un grand écran nous livre les archives de l’affaire von Bülow où la richissime Sunny von Bülow est retrouvée inconsciente et plongée dans un coma irréversible en décembre 1981 jusqu’en 2008. Son second mari, Claus von Bülow est accusé de tentative de meurtre. Premier procès à être retransmis en direct à la télévision en 1982, il a tenu les Américains en haleine pendant six semaines. Trente années en prison sont épargnées à l’accusé qui paie une caution astronomique d’un million de dollars pour rester libre en attendant le procès en appel de 1985. Il recourt aux services de l’avocat et professeur de droit à Harvard, Alan Dershowitz qui le conduit à son acquittement. Voilà pour les faits et leur bref contexte ! Lorsque 10 ans plus tard, à la période de Noël comme l’attestent le grand sapin décoré et la neige, Claus von Bülow revient à New York et rend visite à l’avocat Alan Dershowitz devenu un ténor du barreau. Pourquoi ?

L’écran relevé libère le décor d’un salon et bureau cossu avec vue sur Manhattan dont nous entendons les bruits urbains fenêtre ouverte. Avec une satanée perruque frisée, Nicolas Briançon endosse le rôle de l’avocat Alan Dershowitz au cigare toujours rallumé. L’entrée de Patrick Chesnais dans le rôle de Claus von Bülow a aussi sa réserve de comique avec ses dents de vampire qu’il chausse et déchausse. L’aspect drolatique inattendu des deux accessoires est vite estompé par la joute verbale qui s’ensuit entre celui qui revient dix ans après et son avocat qui a toujours gardé un doute sur son client pour lequel il partage des sentiments contradictoires.

Sur le fil du rasoir, l’échange entre les deux hommes s’appuiera sur l’ambivalence. Le jeu sobre des comédiens tient grâce à sa justesse. La fluidité des réparties bien senties nous offre un grand plaisir à assister à cette pièce. Le spectateur ne s’ennuie jamais, cherchant comme l’avocat à lever un doute emporté dans le coma de la victime entretenue luxueusement depuis 10 ans. Le mystère qui n’est pas levé par Claus restera au fond de la victime déjà dans un état second de son vivant. Les rapports du couple sont évoqués dans leur fragilité au sein d’une vie luxueuse et oisive avec des hauts et des bas. La complexité humaine brouille les pistes d’une justice que l’avocat ne pense pas juste. Le peut-elle dans une vérité humaine inextricable où il n’est question que d’interprétation, nous confie-t-il.

L’attraction du présumé coupable, voire son aura de dandy cultivé à femmes augmente au fil du procès très médiatisé. L’avocat en fera un livre, du moins dans la pièce. À travers son duo de monstres sacrés, Jeremy Irons dans le rôle de Claus von Bülow et Glenn Close dans celui de Sunny, le film de Barbet Schroeder de 1990 est habilement inséré dans un double jeu de fiction et réalité. Le film aux nombreux flashbacks n’entretient pas le même rapport au temps et n’offre ni le même angle de vue, ni le même objectif que la pièce très savoureuse.

Cette dernière creuse le rapport répulsion/attraction vis-à-vis de l’inculpé dix ans après avec le mystère toujours entretenu, fil rouge entre le film et la pièce. Le mystère est cependant déplacé de l’accusé à la victime qui emporte le secret avec elle. Pour l’avocat, chacun emporte un secret avec soi, quelle que soit sa nature, du plus petit au plus énorme. Claus ne dit-il pas être sincère que lorsqu’il a peur ? Ne feint-il pas encore et toujours ? L’avocat n’est-il pas dupe ? Et nous, qu’en pensons-nous ? Tout l’art de la pièce s’implante dans ces interstices.

Le mystère Sunny 5 © Fabienne Rappeneau
Le mystère Sunny © Fabienne Rappeneau
Le mystère Sunny 2 © Fabienne Rappeneau
Le mystère Sunny 6 © Fabienne Rappeneau

Le Mystère Sunny, mise en scène Dominique Guilo © Fabienne Rappeneau

Informations pratiques

LE MYSTÈRE SUNNY

Auteur(s)
Alain Teulié

Mise en scène
Dominique Guilo

Distribution 
Patrick Chesnais et Nicolas Briançon

Dates
Avant-première 12 septembre et jusqu’au 3 décembre 2023 au Théâtre Montparnasse, Paris
Du mercredi au samedi à 21h, matinées samedi à 17h30 et dimanche à 15h30
Relâches les 4, 8 et 15 octobre 2023

Durée
1h30

Adresse
Théâtre Montparnasse
31 rue de la Gaité
75014 Paris

Informations complémentaires

Théâtre Montparnasse
www.theatremontparnasse.com