Le procès de Charlotte Corday, écrit et mis en scène par Benoît Lepecq à l’Espace Icare (Issy-les-Moulineaux)

Article d’Ondine Bérenger

Noirceur de la Révolution

Le 13 juillet 1793, Charlotte Corday, jeune aristocrate déchue originaire du Calvados, assassinait Marat d’un coup de poignard dans le cœur, après avoir discuté avec lui plusieurs dizaines de minutes à son propre domicile. Condamnée à mort par le tribunal, elle marqua, par son acte, le début de la « Terreur » sanglante qui suivit de près le début de la révolution.

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© DR

C’est sur une scène noire et dépouillée que nous découvrons la jeune femme (interprétée par Jeanne-Marie Garcia) vêtue d’une ample robe blanche et baignée de lumière telle une martyre, seule, sans défenseur face au sombre Fouquier-Tinville (Benoît Lepecq), accusateur public qui, presque dans l’ombre, lui jette une à une les pierres qui la condamnent. Comme il semble en être l’usage chez Benoît Lepecq, le texte occupe une place centrale dans la représentation. Magnifiquement rythmé, juste, élégant, on ne peut que se délecter de la délicatesse d’un phrasé qui résonne sans lourdeur, alternant entre l’humour et la détresse de Charlotte Corday, et les insultes lapidaires de son accusateur. Dommage, cependant, en ce soir de première, que la voix pourtant claire et posée de Jeanne-Marie Garcia, par les inflexions et le rythme de tragédienne chevronnée que celle-ci lui donne, ne complique parfois la compréhension du texte. L’on sent toutefois bien qu’elle habite son rôle et le joue avec ferveur, lumineuse, aux côtés du grave et noir Fouquier-Tinville réclamant, inlassable, le prix du sang.

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Tandis que le drame s’installe, le débat se voit parfois entrecoupé d’un air révolutionnaire qui sonne d’un air guilleret, presque ironique dans le silence du plateau. Qui, de l’héroïne martyre ou de la voix intraitable d’une nation bouleversée peut prétendre être du bon côté de l’Histoire en cet instant ? Le public est juge, c’est à lui que s’adressent les deux parties, et l’on aurait même pu souhaiter une rupture encore plus marquée du quatrième mur, car l’idée est très belle, et l’affaire le mérite.
On retrouve, grâce à cette pièce, une réalité historique trop souvent oubliée au profit de la grandeur de la révolution : son prix de violence et de sang. Le bruit métallique de la guillotine le rappellera bien à notre mémoire.

C’est donc, une fois de plus, un travail de qualité que nous propose Benoît Lepecq, non seulement d’un point de vue scénique et stylistique, mais également sur le plan historique, car il est évident que le propos a été efficacement documenté et assimilé avant d’être présenté. Une telle exigence est rare, donc hautement appréciable, ainsi le spectacle mérite-t-il très certainement d’être découvert par tous les publics, à partir du collège.

 

 

Le procès de Charlotte Corday
écrit et mis en scène par Benoît Lepecq
Avec Benoît Lepecq et Jeanne-Marie Garcia
Musique Gilles Patrat
Lumières Maud Villeval
Création sonore Sylvie Gasteau

du 17 au 20 février

à l’Espace Icare
31 boulevard Gambetta
92130 Issy-les-Moulineaux
www.esoace-icare.com