Pierre vient d’emménager dans son home. Pierre n’a pas locké sa door. « Mon home, mes règles », qu’il répond à sa sœur, Odette, qui s’inquiète un peu pour lui. Non, Pierre, il passe son temps à lire et à tenter de recréer la maison de son enfance. Ce qui est étrange quand on est un homme augmenté, parangon de l’être humain, amélioration imposée à tous. Le rationnel est censé primer. Pourtant non, Pierre, son truc, c’est la rêverie et la nostalgie.
Et puis il y a aussi sa mère, gentiment perchée, Emilie (reine du regard halluciné), et Paul, son frère jumeau, qui supervise tout ça sans beaucoup de scrupule.
Le temps des H+mmes, c’est sacrément ambitieux. C’est une famille de futur, beaucoup de non-dits, une mise en scène bifrontale, beaucoup, beaucoup d’idées, et cinq comédiens qui crèvent le quatrième mur (pas que de manière littérale, d’ailleurs). Un jeu d’une justesse et d’une honnêteté rafraichissante, qui demande un peu d’attention les premières minutes, histoire de se mettre dans le bain.
Et vous seriez bien inspirés de la garder cette concentration. Car la pièce est dense. Condenser en une heure dix un univers futuriste travaillé, une histoire de famille avec un arrière-goût de thriller, en saupoudrant tout ça de quelques envolées lyriques sur les bienfaits des puces dans le cerveau, et par-dessus le marché se payer le luxe d’un trip onirique qui part très loin (oui, on parle de vous, la fille qui vomit des pétales de roses), ça tient du tour de force.
Tour de force accompli à 90%, il faut avouer. Car, même blindée de qualités, la pièce n’échappe pas à quelques travers. Elle demande une attention sans faille, sans quoi il est facile de perdre le fil : la deuxième partie (on en compte trois) risque de plonger pas mal de spectateurs dans l’interrogation la plus profonde.
Mais ça c’est pour pinailler, vu l’esthétisme foutraque et léché qui fait tout pardonner.
Une belle interrogation sur l’humanité, sa capacité à rêver, ses travers, ses contradictions. Le temps des H+mmes est un spectacle généreux et sacrément humain.
Le genre de spectacle qui mérite d’être vu (et pas qu’une fois).
Informations pratiques
Texte à partir d’une écriture collective au plateau
Nicolas Giret-Famin
Mise en scène
Nicolas Giret-Famin
Avec
François-Xavier Borrel + Nans Laborde-Jourdàa + Alice Pehlivanyan + Magali Song + Valentine Vittoz
Collaboration artistique
Céline Dauvergne
Scénographie
Alix Boillot
Lumières et régie générale
Fabrice Bihet
Création sonore
Bertrand Wolff
Régie son
Flavien Querre
Dates
du 8 au 13 janvier 2019
Durée
1h10
Adresse
Théâtre de la Reine Blanche — Scène des Arts et des Sciences
2 bis passage Ruelle, 75018 Paris