« L’Enfant de demain », de Serge Amisi, mise en scène Arnaud Churin au Théâtre de la Ville

Article d’Ondine Bérenger

L’enfance à la kalachnikov

Serge Amisi, auteur du livre dont est tiré la pièce, mais également acteur, fut enfant soldat en République démocratique du Congo. De la perte de sa famille à sa vie dans les rangs de l’armée, jusqu’à ce qu’il soit finalement sauvé, on assiste ici au récit de son enfance blessée, détruite, et que seul l’art, des années plus tard, peut aider à apaiser.

Toute la force de la mise en scène réside dans la présence sur le plateau de Serge Amisi qui, au lieu de jouer son propre rôle, celui de l’enfant soldat, regarde, écoute et assiste cet enfant incarné par Mathieu Genet, en endossant tour à tour les rôles des autres personnages de la pièce. Acteur, il contemple avec distance sa propre histoire se jouer, il devient contexte, environnement de cette histoire, et c’est dans ce regard qu’il lui porte que se trouve la puissance de la représentation.

enfant_demain_serge_amisi_1© Serge Amisi

Dans la petite salle du Café des Œillets, le plateau est vide. La représentation de cette longue et périlleuse aventure est très épurée ; pas d’artifice, pas d’effet particulier pour montrer l’horreur ou susciter la peur : tout tient au texte, à la langue en elle-même.
Langue par ailleurs séduisante par ces airs enfantins, parfois exotiques, un peu étranges, mais qui témoigne, avec une puissance d’autant plus grande qu’elle est toute simple, de cette enfance mutilée. Les effets sonores sont évocateurs, uniquement composés de musiques et chansons rappelant les cultures africaines, et donnent le ton au récit. Les accessoires sont également peu nombreux : une marionnette et une immense arme bricolée seront les deux seuls éléments impressionnants en dehors du texte lui-même. Cette volonté de clarté et de simplicité, sans effet choc superficiel, est louable.

Dommage cependant que la mise en scène en pâtisse par moments : recherchant souvent un mouvement perpétuel, sans support pour le légitimer, les comédiens mènent parfois une chorégraphie un peu répétitive et superflue : le texte aurait suffi alors pour exprimer la pensée. Malgré les quelques longueurs engendrées par ce défaut, les deux comédiens, par leur complicité palpable, parviennent à créer une tension dramatique impressionnante ; Mathieu Genet est tout à fait convaincant dans son rôle, et Serge Amisi donne à voir avec émotion cet étrange et captivant paradoxe de l’acteur observant la représentation de son passé réel.
Et finalement, c’est à la fin de la pièce que l’émotion se fera le plus ressentir, lorsque Serge Amisi, reprenant sa propre voix, donnera toute sa réalité au récit, et exprimera avec humilité l’importance de l’art, comme une renaissance, une famille nouvelle qui seule peut aider à guérir les blessures.

L’Enfant de demain
de Serge Amisi
mise en scène de Arnaud Churin assisté de Marie Dissais
avec Mathieu Genet, Serge Amisi
Costumes Olivier Bériot et Sonia de Sousa
Son Jean-Baptise Julien et Lorraine Prigent
Lumières Gilles Gentner

du 9 au 23 décembre

Théâtre de la Ville
2 place du Châtelet
74004 Paris
www.theatredelaville-paris.com