Article d’Ondine Bérenger
Catharsis scénique
Odette est une jeune danseuse professionnelle dont l’enfance a été brisée par les viols à répétition, durant quatre ans, d’un ami de sa famille. Quinze ans après les faits, dans le bureau d’un psychologue, elle raconte son histoire, de sa passion pour la danse à la poursuite en justice de son agresseur, mettant en scène ses souvenirs et ses fantasmes, les faisant revivre pour, peut-être, trouver l’apaisement.
© Karine Letellier
Seule en scène, Andréa Bescond incarne à la fois Odette et tous les personnages qui, tour à tour, ont peuplé l’histoire de cette jeune fille en colère. À la fois danseuse et comédienne, elle glisse avec une incroyable aisance d’un personnage à l’autre, donnant vie à chacun d’entre eux avec une ardeur sans cesse renouvelée. Entourée d’ambiances sonores judicieuses et d’excellents éclairages, l’artiste nous donne à voir chaque scène comme une réalité se déroulant immédiatement sous nos yeux : une telle puissance évocatrice est absolument bluffante et fascinante, surtout face à l’indiscutable difficulté de l’exercice.
© Karine Letellier
Loin de sombrer dans un pathos larmoyant, la représentation happe le spectateur, qui oscille sans cesse entre tristesse, colère, amertume aussi de constater l’inertie du monde face à un drame resté trop longtemps silencieux. Mais – et c’est là sans doute la prouesse majeure de l’œuvre – le rire est également omniprésent tant la pièce fourmille de trouvailles humoristiques. Traiter avec tant de délicatesse, de justesse, d’élégance et de sincérité un sujet aussi difficile que celui de la pédophilie est un exploit artistique hors du commun.
Andréa Bescond s’emploie à servir le propos avec une telle force que l’on ne peut qu’avoir froid dans le dos en songeant que ces faits ont été et sont une réalité souvent muette. Heureusement, c’est un message d’espoir qu’offre cette catharsis, expiant la douleur et la colère dans la danse, un exutoire placé aux yeux du monde.
La prestation, par un texte simple mais une expression pleine de fureur, marque et secoue le spectateur, le plongeant dans une émotion bien au-dessus des mots. Un chef-d’œuvre dont on ne sort pas indemne.
Les Chatouilles ou la danse de la colère
de et par Andréa Bescond
mise en scène Eric Metayer
Lumières Jean-Yves de Saint-Fuscien
Son Vincent Lustaud
Théâtre du Petit-Montparnasse
31 rue de la Gaîté
75006 Paris
http://www.petitmontparnasse.com