« LES ENCHANTEMENTS » de Clémence Attar aux éditions Théâtrales, Nous aussi, on a droit à la mer !

LES ENCHANTEMENTS de Clémence Attar aux éditions Théâtrales fait entendre « le bruit sourd des grands ensembles » dans une pièce remarquablement écrite.

Lauréate des Journées de Lyon des Auteurs de Théâtre 2023. La pièce sera montée au Théâtre Ouvert et au théâtre de la Tête Noire en 2024.
Les personnages, trois garçons : Mo, Lu, Tratra et trois filles Maï, So, Cha, les darons et le patron du bar où ils stationnent, et des voix au téléphone, des textos… Les garçons occupent l’immeuble Hibiscus, les filles Les Cerisiers, les Darons, le café Magno. À chacun sa vie, ses préoccupations, ses projets et surtout bien sûr, sa langue, ses tics.

C’est une pièce qui bouscule par sa forme. Clémence Attar cherche à rendre compte du réel en proposant une tentative de simultanéité. Ainsi, dans le bar, les clients ne sont pas identifiés, mais sur deux pages, se déploient leurs brèves paroles :

Noisette

Oui

                                        Putain de chaleur
                                        Le livreur est passé, déjà ?

Toujours pas ?

                                        Bon, on attend

Dès la première scène, on est plongé dans le jeu des voix tel qu’il se déploie dans un café populaire et banal. On ne comprend pas tout de suite de quoi il s’agit, comme quand on saisit partiellement une conversation. C’est visiblement l’été, caniculaire période pendant laquelle un chantier de rénovation doit se conduire…
Et c’est là que vont naître les projets les plus fous, progressivement.

Aux Hibiscus, les garçons voudraient gagner beaucoup de blé, mais il ne leur vient pas à l’idée de chercher du travail. Inutile, ils ont déjà essayé… alors, quoi ? il faut trouver L’Idée, celle qui répondra à un besoin et qui fera rentrer la thune dans leurs poches.…
Aux Cerisiers, les filles rêvent de mer et de plage. Il faudrait de l’argent, bien sûr, pour s’offrir les sables de Dubaï, ou peut-être, plus simplement, de Marseille. Après tout, la mer n’est pas si loin. Mais voilà, sans argent…

Ces discussions ont lieu en parallèle : les garçons sur la page de gauche, les filles sur la page de droite. Le langage est celui des banlieues, transcrit phonétiquement :
J’me crame le uc et toi, tu t’fous d’ma gueule.
Eh, il fait trop chaud chpeux pas cette chaleur sur ma vie chtiens pas c’est trop…

Et pendant ce temps-là, les gosses passent, munis de bouées et de serviettes, direction la piscine. Mais la piscine est fermée. Alors, c’est là que germent les idées : installer une piscine dans l’appartement dont le chantier de rénovation est en panne, côté Hibiscus, des milliers de litres d’une eau qui ne tardera pas à tourner, à puer, puis à déborder…
Installer une plage côte Cerisiers… et la concurrence qui s’installe, la guerre économique risible et pathétique, pour accaparer la clientèle payante, laquelle devrait résoudre les problèmes d’argent.
Inutile de dire que les Pieds Nickelés de banlieue vont au-devant de déboires…

Ce texte est tout à fait saisissant par sa forme et on ne peut que souhaiter assister à une représentation prochaine.

Informations pratiques

Auteur(s)
Clémence Attar

Prix
12 euros

Éditions Théâtrales
www.editionstheatrales.fr