« LES ÉTOILES » de Simon Falguières ou l’histoire du poète qui, un jour, a perdu les mots

Les Étoiles, mise en scène Simon Falguières © Simon Gosselin

« Ici commence le conte du poète qui un jour a perdu les mots. Comme tous les contes, ici, il commence par la mort de la mère. La mort de ma mère ». Par ses mots, Ezra, le héros de la pièce intitulée Les Étoiles le reconnaît : qu’importent les époques, la mort de la figure maternelle inspire les écrivains. Dévasté par le chagrin, le jeune poète s’enferme dans sa chambre et sombre dans un long sommeil… C’est ici que l’écrivain et metteur en scène Simon Falguières nous invite à réfléchir à ce drôle d’espace du dedans dans lequel Ezra se mure à la recherche des mots perdus.

La nuit venue, « la nuit remue ». Ce drôle d’espace du dedans onirique dans lequel se cloître Ezra ressemble aux gouffres du recueil d’un autre poète, Henri Michaux. Si le « je » conteur d’Henri Michaux bataille sans cesse et doit « Chasser le lièvre, rencontrer l’ours. Courageusement frapper l’ours, toucher le rhinocéros », la quête d’Ezra est tout aussi harassante. Des marionnettes inventées enfant prennent vie tandis que des créatures imprévisibles surgissent : Kowagountata Papo, Dionysos, le cinéaste Ingmar Bergman ou encore le roi et la reine des contes. Autant d’êtres qui forment un essaim prodigieux de rencontres hantant le monde imaginaire d’Ezra durant son sommeil. Le jeune poète pourrait reprendre à bon compte cette citation de Michaux : « Au fond je suis un sportif, le sportif au lit. Comprenez-moi bien, à peine ai-je les yeux fermés que me voilà en action. »

Entre sommeil et veille, les personnages avancent et reculent, dans des temporalités superposées. Zocha, la mère que vient de perdre Ezra, retourne parfois le voir en rêve. Pourtant, le monde attend Ezra au-delà de son sommeil, son père, son oncle Jean et son amante enceinte, Sarah. La scène forme un étrange espace, où souvent on peut avoir l’impression de passer d’une case à l’autre dans une sorte de jeu de l’oie, dans la communication ainsi alternée entre sommeil et veille. On avance, on recule, on ne sait pas où l’on est : dans une chambre, sur un radeau tressé de rêve, dans une salle de projection minable. Les récits s’enchevêtrent, pleins de portes, de fausses cloisons, de passages à travers les armoires dont la scénographie, toute en parois amovibles, s’amuse. Le jeu des acteurs campe enfin des personnages réussis. L’oncle Jean, plein de candeur et de poésie, attendrit le public et la figure de la mère, incarnée par Agnès Sourdillon, éblouit. Simon Falguières n’en fait pas une mère sublime de sacrifices mais, au contraire, une femme avec une vie comme elle le dit elle-même dans la pièce.

Pour Ezra, en tout cas, « Cette nuit, ç’a été la nuit des horizons. » (Henri Michaux), dans une chambre où il n’est pas d’âge pour jouer et dormir.

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Les Étoiles, mise en scène Simon Falguières © Simon Gosselin

Informations pratiques

LES ÉTOILES

Auteur(s)
Simon Falguières
Texte lauréat de l’Aide à la création de textes dramatiques – Artcena. Publié aux éditions Actes Sud Papiers

Mise en scène
Simon Falguières

Avec
John Arnold, Agnès Sourdillon, Mathilde Charbonneaux, Charlie Fabert, Pia Lagrange, Stanislas Perrin
Scénographie Emmanuel Clolus
Lumières Léandre Gans
Son Valentin Portron
Costumes Lucile Charvet assistée de Léa Bordin
Accessoires Alice Delarue
Assistanat à la mise en scène Edouard Eftimakis
Réalisation film Emmanuel Falguières
Régie générale Clémentine Bollée
Assistée de Nicolas Gérard
Dispositif sonore Celsian Langlois
Instrumentarium métallique Igor Boye

Dates
Du 6 janvier au 5 février 2023 au Théâtre de la Tempête, Paris
Du mardi au samedi 20h, dimanche 16h

Durée
2h

Adresse
Théâtre de la Tempête
Route du Champ de Manoeuvre
75012 Paris

Informations complémentaires

Théâtre de la Tempête
www.la-tempete.fr